CHAPITRE UN
Riley Le soleil frappe plus que prévu à Riverton, une bourgade paumée dans laquelle je viens de mettre les pieds après plus de dix ans d’absence. Je suis nerveux, je ne peux pas le cacher, mais ça fait des années que je n’ai pas revu mes frères ni mon père. Père qui n’existe plus, d’ailleurs. Il a rendu l’âme la semaine derrière à la suite d’une altercation avec le gang adverse des Droks, les Hells Angels. C’est en partie pour cette raison que je suis revenu au bercail plus tôt que prévu. Le directeur de la prison a eu pitié de mon existence, sans doute. Mais il faut dire que j’ai payé ma dette. À présent, je suis un homme libre. Sheldon a tenu la baraque depuis l’enterrement. C’est ce qu’il m’a dit quand il m’a appelé pour me prier de venir lui filer un coup de main. J’ignore ce qu’il attend de moi, mais s’il pense une seule seconde que je vais reprendre le flambeau de notre paternel, il peut se fourrer le doigt dans l’œil. J’ai assez donné pour les Droks. J’ai beaucoup perdu, plus que je n’ai gagné en jouant au bon fils à papa qui accepte tout et n’importe quoi. Résultat des choses, je me suis retrouvé au milieu d’un bain de sang et j’ai payé cher pour ces putains de conneries alors que je n’en étais pas le responsable. Les enfoirés ! J’éprouve encore beaucoup de rancœurs pour ce qui s’est passé, et ce ne sont pas les coups de fil d’excuses de mon père pendant ces dernières années où je suis resté reclus en cellule qui changeront quelque chose. Il aurait pu me sortir de là, mais il n’a pas bougé le petit doigt quand j’ai eu besoin de lui. Le traître ! Si j’ai accepté de revenir, ce n’est pas pour Tyron Materson, mais pour mes deux frères, Sheldon et Hayden.Ces merdeux me manquent à un point que je n’aurais jamais pu soupçonner si je n’avais pas passé ces putains de longues années en prison. Sheldon n’a que 22 ans, mon âge quand j’ai été arrêté par la police de Springfield. Hayden en a à peine 18. Je ne vois aucun des deux prendre le contrôle des Droks, ils sont bien trop jeunes et insouciants des dangers. Sheldon connaît mon objectif : il sait ce que je veux et,surtout, ce que je ne veux pas. Cependant, j’ai beau lui avoir répété des dizaines de fois que je ne revenais pas pour mener la barque, j’ai la désagréable sensation qu’il va me mettre au pied du mur. Quand je dis qu’il est insouciant ! Il pense sérieusement que je changerai d’avis, mais il se goure complètement. Je ne ferai pas ce plaisir à Tyron, même mort et enterré, mon père peut aller se faire foutre ! Tout ce que je peux faire, c’est lui donner un coup de main, mais au fond de moi, j’aimerais plutôt qu’il se casse de cet endroit avec Hayden. Ils sont encore jeunes et peuvent se ranger comme je compte le faire à présent. Quoique… Quand le taxi me dépose devant le bâtiment qui abrite le logement des Droks et le garage – très bon investissement pour le gang et, surtout, une excellente planque –, j’ai l’impression que toutes mes résolutions s’évaporent comme par enchantement. Tous les souvenirs me rattrapent, me happent littéralement,et je suis incapable de bouger ne serait-ce que le petit doigt. Je reste comme un con, immobile sous le soleil frappant devant l’entrée.Je me souviens parfaitement de la dernière fois que j’ai quitté cet endroit avant de me retrouver à des centaines de kilomètres, enfermé dans une prison d’État pourrie où j’ai appris à me faire un nom par la force des poings. J’étais avec mon acolyte de toujours, Andy. Un gars avec lequel j’ai passé mon enfance. Il s’est retrouvé sous les ordres de Tyron et nous avons passé un certain temps à faire les merdeux pour ramener le pognon dont les Droks avaient besoin, et ce, quoi qu’il nous en coûte. Ce jour-là, il était complètement bourré et venait de retrouver la fille qui l’avait dépucelé trois ans plus tôt. Il rêvait de se la refaire. Shana Brown, la protégée du maire de Riverton, sa filleunique. J’ai insisté pour qu’il aille la retrouver au lieu de venir avec moi comme convenu sur le terraindes Hells Angels. On était juste censés récupérer un paquet de méth et de cocaïne pour le club. D’après mon père, tout devait bien se dérouler. Le chef du gang adverse et Tyron avaient un marché. Rien de tout ça n’aurait dû arriver. Parce qu’après qu’Andy ait filé retrouver Shana, je suis parti avec ma bécane sur le lieu de notre rendez-vous. Là-bas, la tension était déjà bien électrique. Il a suffi d’un mot de trop entre deux gars pour que la bagarre éclate. Je me suis retrouvé dans la merde, les poingsen sang de m’être défendu lorsque les flics sont arrivés. La plupart des gars des Hells Angels ont pu se barrer sans soucis, laissant trois corps inertes sur le sol à mes côtés quand ces fils de putes m’ont chopé. — Riley ? C’est bien toi ! s’exclame une voix que je n’arrive pas à identifier. Les traits durcis par ces putains de souvenirs qui m’enserrent encore la poitrine, je me tourne vers l’individu et le jauge de bas en haut. Il est musclé, mais pas autant que je le suis. Je n’avais que ça comme loisir en prison et j’ai profité de ces dix dernières années pour m’occuper l’esprit – et mon corps par la même occasion. Il possède des cheveux bruns, mi-longs, et des yeux foncés. C’est une montagne tatouée de partout. Des arabesques entourent des crânes humains et d’animaux sur ses bras. Le débardeur qu’il porte m’empêche d’en voir plus, mais des têtes de dragon surgissent vers ses épaules et clavicules. Bien qu’il fasse une dizaine de centimètres de plus que moi, il ne me fait pas peur, contrairement aux mamies qu’il croise à Riverton. — C’est moi, Stan ! m’informe-t-il, visiblement étonné que je ne le reconnaisse pas. — Stan… Hendrik ? lui demandé-je en fronçant les sourcils. Je me souviens de ce gars. Il avait intégré le gang juste avant mon arrestation. D’ailleurs, c’était prévu que je lui mette des bâtons dans les roues avec mon pote Andy, afin de voir si le nouveau en avait dans le bide. Ce qu’il fallait pour être un Droks. — Ouais, mon frère ! C’est bien ça ! Il s’avance vers moi et je me tends lorsqu’il me prend dans ses bras. Visiblement, y en a un ici qui semble ravi de mon retour ! — Comment tu vas, mec, depuis le temps ? — Ça fait un bail, c’est vrai. Je crois que ça roule, grogné-je en passant une main nerveuse dans mes cheveux. Il fait chaud et je déteste cette putain de chaleur qui te fait suer des gouttes sans faire le moindre effort. — Tu viens juste d’arriver ? me demande Stan en baissant les yeux vers le sac de sport qui traîne à mes pieds. — Ouais. — Ne reste pas là, tes frères sont impatients de te retrouver. -- Viens, je t’accompagne ! J’ai envie de lui dire que je n’ai pas besoin qu’il me montre le chemin, je connais la maison, c’était la mienne. Mais je m’en abstiens. Après tout, je ne vais pas commencer à me mettre tout le monde à dos alors que je n’ai pas encore vu mes frères. Je garde ça pour plus tard. Stan est une vraie gonzesse, il n’arrête pas de parler sur le chemin qui nous mène à l’entrée du garage. Mon regard s’immobilise un moment sur la rangée de motos qui se trouve près de la porte du bureau d’accueil. Mon cœur se serre quand je reconnais celle de mon père. — Allez, viens, mon gars ! me lance-t-il en m’encourageant à avancer d’une tape dans le dos. Je le dévisage un instant avec froideur et continue mon chemin. J’ai envie de lui foutre mon poing sur la gueule pour la lui fermer. Ce mec m’insupporte. Je n’aime pas vraiment les gars qui l’ouvrent pour ne rien dire. Cependant, vu qu’il a la langue déliée, je profite pour l’interroger. — Qui s’occupe d’ici ? — Tout le monde ! Je veux dire, tous les membres des Droks, Riley. Ma question semble stupide, mais, dès que je le fixe plus de trois secondes, il baisse la tête et se gratte le menton comme s’il réfléchissait à la façon de m’annoncer un truc important. — En fait… Comme tu le sais, enfin, je crois que tu le sais, c’est Sheldon qui gère le club, le garage et tout le reste. — Il s’en sort bien ? lui demandé-je, intrigué par son expression. — Disons qu’il essaie de faire au mieux, mais y a pas mal de gars qui ne le prennent pas au sérieux. — Comme Larry, je suppose ? — Ouais, il a du mal à se faire à l’idée que ce soit un gamin de 22 ans qui donne les ordres. J’étouffe un petit rire. Je connais Larry depuis toujours. Il a été le bras droit de mon père depuis le début. Déjà à l’époque, il adorait contrarier mon vieux et je suis assez content de voir qu’il n’a pas changé. Ça risque d’être explosif. Mais ici, tout a évolué… C’est la remarque que je me fais intérieurement en pénétrant dans le garage. Un nouveau pont a été installé et une dizaine de voitures attendent d’être réparées. Je me souviens que mon vieux refusait de prendre autant de bagnoles à la fois. S’il y en avait cinq en attente, il pétait des dents. — Eh, les gars ! Venez ici que je vous présente ! Je me crispe, serre les mâchoires tandis que deux gars sortent du dessous de la bagnole qu’ils sont en train de réparer.Je ne les reconnais pas et je pressens que je vais avoir du mal à me faire à ces nouvelles têtes qui se trouvent chez moi. — C’est Riley, les mecs ! — Riley ! s’exclament-ils en chœur. J’arque un sourcil tout en les dévisageant à tour de rôle. Ils sont aussi jeunes que Sheldon, peut-être même de l’âge de Hayden. — Voilà Loyd et Abram, les présente Stan. — C’est quoi, ce bordel, vous les recrutez au berceau, maintenant ? Je n’ai pas pu m’empêcher d’envoyer cette pique parce que ça me sidère. — Euh… Ouais, c’est ton frère qui les a fait entrer dans le club, Riley. Les deux « bleus » perdent leurs sourires. Je les foudroie du regard avant de soupirer de lassitude. Je me tourne vers Stan et lui demande froidement : — Où est-il ? — Dans la Droksroom, répond-il, hagard. Il hésite à me dire quelque chose, mais je m’en fous royalement et m’avance d’un pas rapide vers la pièce réservée aux membres. Là, je me sens aussi con que mon frère à cet instant. Je viens d’ouvrir la porte, le découvrant debout, le falzar en bas des chevilles pendant qu’il est en train de se faire sucer par une pute ! — Putain ! Il hurle en poussant la fille avant de remonter son froc, le visage aussi rouge que le bout de sa queue qu’il camoufle rapidement. J’attrape un fou rire. Je suis incapable de le retenir plus longtemps quand elle se met à lui crier dessus, choquée par la situation. — T’es là, Riley ! clame-t-il en se jetant dans mes bras. Je le réceptionne dans les miens et l’étreins, touché de me rendre compte que mon frère ne plaisantait pas en me disant que je lui manquais et qu’il lui tardait de me retrouver. — T’es sérieux, Shel ! Tu arrêtes cette pipe d’enfer pour faire des câlins à un mec ! Mon frère et moi sommes pris d’un rire tonitruant. Il se détache enfin et se tourne vers la pute qui s’essuie rageusement la bouche. — Ouais, c’est ça ! C’est mon frère, alors, tu ferais mieux de te barrer, je t’appellerai plus tard, Sonia. J’assiste à l’échange de regards glacials entre elle et mon frangin. Une fois qu’elle dégage en claquant la porte de toutes ses forces, j’observe Sheldon et esquisse un large sourire. — C’est ta nouvelle copine ? Ma question le fait rougir de plus belle. Il secoue la tête et me répond : — C’est l’une des nouvelles. Surpris, je fronce les sourcils et penche légèrement la tête sur le côté. — Tu m’expliques ! Ce n’est pas une question que je viens de lui poser. Quelque chose me dit que tout a trop changé ici et je ne suis pas vraiment sûr de vouloir l’entendre. Cependant, Sheldon passe une main sur son visage et me fait signe de le suivre vers le salon en cuir noir – celui de l’époque où je me suis effondré ivre mort à plusieurs reprises. Quelques minutes plus tard, installé sur l’un des fauteuils, je contemple mon frère et hoche la tête, l’encourageant silencieusement à m’expliquer ce bordel. Ce qu’il fait d’une voix mal assurée.
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