CHAPITRE UN
Logane Une fois de plus, je sens mon cœur se déchirer en plusieurs morceaux. Je suis toujours dans cette chambre d’hôpital alors que je regarde ma mère, inerte sur ce lit. Je n’arrive même plus à verser de larmes tant mon corps est vide… complètement vide. Son dernier souffle a eu lieu, il y a une demi-heure. Je m’y étais préparée depuis plus d’un an, mais je n’aurais pu imaginer la puissance de cette souffrance qui m’a traversée quand j’ai vu ses paupières se fermer pour la dernière fois. Je suis toujours assise sur le bord de son lit. Je tiens sa main que je caresse d’un pouce tremblant. Je ne peux pas… Je ne veux pas la quitter. J'entends des murmures derrière la porte et c’est à cet instant que je prends conscience qu’ils vont bientôt venir me chercher. Mes larmes coulent, enfin. Comment pourrais-je continuer à vivre alors que c’est la seule personne qui a toujours été là pour moi? Je ne comprends pas ce qui m’arrive. J’entends une voix m’appeler au loin. Je regarde la pièce, mais je ne vois que ma mère. J’ai mal à la tête et j’ai l’impression de perdre conscience petit à petit. Une étrange sensation de tomber dans un précipice vertigineux m'envahit… Je peux encore sentir la froideur de sa main dans la mienne. Je suis donc toujours là. Non ! Je ne sais plus… Cette voix me rappelle encore et j’arrive à présent à l’identifier correctement. Mel… Oui, c’est bien Mel. Ma meilleure amie m’appelle, mais je n’arrive pas à la voir. C’est le chaos dans mon crâne. Je ne parviens plus à apercevoir quoi que ce soit. Les murs blancs de la chambre d’hôpital viennent de disparaître comme par enchantement. L’odeur incommodante de l’antiseptique s’est évaporée. — Logane ! Réveille-toi, bon sang! Soudain, j’ouvre les yeux. Je remarque Mel qui se tient à mes côtés, les mains sur les hanches, l'air exaspéré. Je regarde autour de moi et constate que je me suis endormie sur le canapé. Ce n’est pas vrai ! J’ai encore fait cet horrible cauchemar… — Logane! Je t’ai demandé d’être prête pour 19 heures! — Quelle heure est-il? — 19 heures 30! Je fronce les sourcils, tentant de me rappeler les raisons pour lesquelles je devais être présentable à cette heure-là. Exaspérée, elle pousse un soupir et me considère d’un air las. — Tu as oublié ?! — Euh… non. Oui, avoué-je en grimaçant. — Billy. Tess. Fiançailles! — Oh et merde! Je retombe contre le dossier du sofa et prends mon visage entre mes mains. Je n’ai vraiment pas envie de subir cette soirée, de voir ces gens crier leur amour à tue-tête. Je n’en ai vraiment pas besoin, pas maintenant. Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche pour annoncer mes intentions de rester ici que Mel me devance – comme si elle pouvait lire en moi : — Allez, Logane ! Il est temps que tu sortes, que tu voies du monde, que tu t’amuses… — Je suis désolée, je n’ai vraiment pas besoin de ça en ce moment ! Tu n’as qu’à y aller, toi… — Tu sais très bien que je n’irai pas sans toi. Il faut que tu continues… — C’est ce que je fais, non ? Je vais au travail tous les jours, je mange, je parle… — Tu ne souris plus, lâche Mel d’un ton grave. Sa voix me fait de la peine. Je remarque qu’elle souffre de mon silence, mais que puis-je faire d’autre pour l’apaiser ? À vrai dire, depuis que ma mère m’a quittée, je suis toujours en colère. Je fais des crises, m'emporte pour un rien. Mes amies m’ont pratiquement exclue de leurs vies, car je suis devenue insupportable à leurs yeux. Mais Mel est présente, toujours là. — Je t’aime, ma Mel, tu sais… — Je sais, répond-elle en esquissant un faible sourire. — Mon frère m’a encore appelée au bureau, ce matin. — Il veut toujours que tu ailles vivre chez lui ? — Non. Il veut que j’emménage dans la maison qu'il vient de m'acheter sans mon consentement, bien sûr, et de plus, elle se situe près de chez lui. — Tu devrais accepter, Logane. Ton père était si triste la dernière fois quand tu l’as envoyé promener ! — Alors là, non ! Ne le plains pas, s’il te plaît ! Il n’a jamais été là quand il le fallait. Il nous a abandonnées avec maman, car il avait déjà sa petite famille ! Tu es la seule personne qui est au courant… De ce qui s’est passé dans ma vie… Tu es la seule à savoir pour mon frère, et… — Je sais, excuse-moi. Mais là, il s’agit de ton frère justement et il t’aime plus que tout. Tu n’as plus que lui, Logane… Je pousse un soupir d’exaspération. Je n’aime vraiment pas la tournure que prend cette conversation. Je me lève brusquement et arpente mon salon, lançant des regards vifs vers ma meilleure amie. Elle a raison, je n’ai plus que lui, mais quitter cette vie, cette maison, c'est trop dur. Comment abandonner tout ça ? Comment partir si loin de ce qui fait ma vie depuis toujours ? Tout ce qu’il me reste, c'est cette maison et les souvenirs que nous avons partagés avec ma mère… — Écoute, Logane… C’est toi qui parlais de changer d’air. Tu viens même de quitter ton travail aujourd’hui. Ta dernière journée est terminée, alors fonce ! — Je sais, mais… — Tu auras plus de chance de faire ce que tu aimes en Amérique qu’ici, Log. Tu m’as dit que ton frère voulait que tu sois près de lui… qu’il voulait que tu l’aides dans son travail, et tu as beaucoup de talent, ma belle ! — Je n’en sais rien… — Je sais que c’est une décision très difficile à prendre, mais… je pense que Gabriela aurait été d’accord. Au murmure de son prénom, je ferme les paupières. Elle a raison. Ma mère aurait voulu que je parte vivre auprès de mon frère et de mon père. Mais comment avait-elle fait pour ne pas lui en tenir rigueur alors qu’il nous a si lâchement abandonnées ? Je sais qu’ils s’aimaient éperdument, qu’il était le plus grand amour de sa vie, le seul... l’unique comme elle le disait toujours. Je souris à ce souvenir, me remémorant cette phrase si banale qu’elle me sortait toujours quand je parlais de lui. — Je vais répondre ! Je sors de mes pensées et fixe le téléphone. Mel vient de décrocher, réduisant au silence cette sonnerie stridente qui vient d’envahir la maison. Je profite de cet appel pour quitter la pièce et me réfugie dans le jardin. Je respire l’air frais à pleins poumons et attrape mon paquet de cigarettes qui est toujours posé sur le rebord de la fenêtre. Je soupire de soulagement à ma première bouffée. Je m’installe sur la chaise longue et regarde les étoiles brillantes dans le ciel assombri au-dessus de moi. Fumant tranquillement, j’imagine que la plus petite des étoiles se trouve être ma mère. Elle vient de rejoindre ses parents qu’elle n’a pas vus depuis si longtemps. J’imagine qu’ils doivent faire la fête là-haut, alors que ceux qui restent sur Terre sont complètement bouleversés. Je secoue négligemment la tête afin d’effacer les pensées stupides de mon crâne. Moi et mon imagination! Ma mère disait toujours que je rêvais trop, que je pensais trop… je souriais chaque fois qu’elle me répétait cela et je répliquais toujours que cela devait être dans les gènes. Cependant, je sais que Mel a raison. Il est temps pour moi de prendre ma vie en main et de tout faire pour rattraper le temps qu’on nous a volés, à mon frère et moi. Ça fait un mois et demi qu’il m’appelle tous les jours ou presque. Il demande de mes nouvelles et n’hésite pas à me rappeler que je devrais venir vivre auprès de lui. Depuis le départ de ma mère, en fait. Cela fera bientôt deux mois… Il faut que je réagisse! J’écrase mon mégot dans l’herbe et recrache lentement la fumée, essayant de faire des cercles. Peine perdue, je n’ai jamais réussi à faire comme lui. Je suis surprise de ressentir ce que j’éprouve à cette pensée. Je n’ai pas été très gentille avec papa à l’enterrement. Mais comment pouvait-il me demander de le suivre ainsi? Il n’aurait pas dû. Il aurait dû rester dans son coin au lieu de vouloir jouer son rôle de père durant les funérailles. Je réfléchis encore un instant, fixant toujours le ciel comme si j’attendais une réponse. Pourtant, ce n’était pas si compliqué de prendre une décision. Enfin, si… tout de même, me dis-je en pestant. Au moins, je sais que j’aurai tout l’amour dont j’ai besoin auprès de mon frère. Même si je l’ai toujours jalousé d'avoir la présence de notre père à son côté. C’est mon grand frère, et il est très protecteur par-dessus le marché! Je me souviens du jour où je l’ai appelé alors qu’il faisait nuit. Il avait grogné au téléphone, mais dès qu’il avait entendu ma voix, j'avais pu deviner son sourire. Bien sûr, ce jour-là, il ne l’avait pas gardé très longtemps. Je lui avais annoncé l’état pitoyable dans lequel Curtis m’avait mise… Mon frère avait pris le premier avion pour venir me voir. Il avait désiré trouver mon ex-fiancé pour le démolir, mais bien sûr, il l’aurait reconnu… et cela, je ne le voulais pas. Et mon père, comment avait-il pu me demander de tout quitter, ce jour-là? Je repense à ce moment où je l’avais aperçu alors que je venais d’enterrer ma mère. Malgré mes protestations, il n’en avait fait qu’à sa tête et avait assisté aux funérailles. Je sais très bien qu’il l’aimait plus que tout, enfin… c’était ce qu’il disait! Je ne pouvais concevoir d'aimer une personne et rester loin d’elle comme il l’avait fait durant toutes ces années. Pff… je suis vraiment idiote! Je connais très bien les raisons pour lesquelles il restait avec sa femme et mon frère. Il a une certaine notoriété dans son travail et il est très à cheval sur les convictions du mariage. J’enrage malgré tout! Si ses convictions étaient vraiment sincères et importantes à ses yeux, alors pourquoi avait-il trompé son épouse avec une femme sans fortune? La notoriété, les stars, les paillettes! Une vie que je déteste depuis le jour où ma mère m’avait tout raconté au sujet de mon père. La célébrité passait toujours avant la vie de famille et les problèmes que cela comportait. Seule, son image d’époux fidèle et dévoué devait faire table rase de son amour pour ma mère… et pour moi : l’enfant cachée. Depuis ma naissance il met de l’argent chaque mois sur un compte bancaire à mon nom, mais je n’y ai jamais touché… Ce ne sont pas des millions de dollars qui auraient remplacé son amour ou sa présence ! Pourquoi faut-il que dans ce monde, il y ait toujours une personne qui souffre tandis qu’une autre est heureuse ? Pourquoi faut-il qu’il nous manque une seule chose, alors qu’un autre peut avoir les deux ? *** Cela fait plus de dix minutes que je suis réveillée, mais je reste sous la couette. La nuit a été très longue. La soirée des fiançailles de nos amis a été très courte pour Mel et moi. Elle avait remarqué que je n’allais vraiment pas bien et avait décidé de me raccompagner à la maison. Cette décision à prendre avait accaparé toutes mes pensées. Mel était restée avec moi une bonne partie de la nuit, tentant de me faire comprendre que je pouvais avoir une vie bien meilleure aux États-Unis. Pouvoir enfin vivre auprès d’un père qui m’avait toujours manqué, auprès d’un frère qui tenait énormément à moi. Toutes les réflexions qu’elle m’avait lancées au visage pendant notre conversation m’avaient un peu bousculé l’esprit. Dans la nuit, j’avais pris également conscience que je n’aurais pas dû agir ainsi avec mon père. Je vois encore de façon claire son visage pâlir quand je l’avais repoussé le jour des funérailles de ma mère. Il avait pleuré cette disparition, mais je ressentais tellement de chagrin de l’avoir perdue, moi aussi, que j'autorisais uniquement ma souffrance. C’était peut-être égoïste de ma part, je ne sais pas, mais pendant cette douloureuse épreuve, je pensais vraiment que moi seule étais en droit de la pleurer. Aujourd’hui, je regrette amèrement toutes les paroles repoussantes que je lui ai dites. Il faudrait peut-être que je l’appelle pour m’excuser, me dis-je en fixant mon portable. J’hésite encore quelques secondes puis décide de sortir du lit. En passant un peignoir, j’attrape le téléphone et m’installe confortablement dans le fauteuil, près de mon bureau. Bon, il est temps d’agir un peu, Logane ! Je compose alors le numéro de téléphone de mon père et prends une profonde respiration. Je ne suis pas très à l’aise, j’ai peur d’être déçue à nouveau, il doit m’en vouloir. — Allô ? — Papa… C’est Logane… — Ma chérie… Je ferme les yeux un instant à la douceur de sa voix. Mon cœur s’emplit d’une émotion que je tente de refouler malgré moi. — Logane ? — Euh, oui… je suis là, papa. — Tu vas bien ? — Oui, ça va. Et toi ? — Très bien. J’avoue que je suis un peu surpris que tu m’appelles. Tu es certaine que tout va bien ? — Oui. Je vais très bien. Je t’appelle simplement pour te… je te demande pardon pour toutes les méchancetés… — Non, ma puce. Tu n’as pas besoin de t’excuser. Je sais que tu as beaucoup souffert de mon absence, mais je t’ai toujours aimée, ma petite fille… Vous avoir laissé ta mère et toi a été la plus grosse erreur de toute ma vie. J’espère qu’un jour tu pourras pardonner à ton vieux père. Je m’aperçois que mes larmes se sont mises à couler le long de mes joues. Il ne m’avait jamais dit qu’il m’aimait de cette façon. Il n’avait jamais montré qu’il regrettait cet abandon. Je suis perdue… Je ne sais plus quoi penser... Depuis des années, je m'efforce de rester sous une carapace que je me suis forgée pour résister aux sentiments que j'éprouve pour lui. D’ailleurs, ma mère n’avait jamais abandonné l’espoir que je lui pardonne un jour. — Écoute, Logane… — Je m’excuse, papa. J’ai réfléchi à la proposition de Paul et je pense que ce serait bien… enfin, si tu es toujours d’accord… — Tu vas venir ! s’exclame-t-il joyeusement. Je souris en secouant légèrement la tête, face à cette gaieté qu’il manifeste. — Oui, papa. Je crois que oui. — Non, non. Tu ne dois pas seulement le croire, Logane. Tu dois le vouloir alors, c'est ce que tu veux ? Vraiment ? Un silence s’installe entre nous pendant quelques secondes. Un petit laps de temps que je prends pour inspirer de sorte à me donner la force de lui répondre sincèrement. — Oui… je le veux vraiment… — J’en suis très heureux, ma fille ! Quand je vais dire à Paul que tu viens vivre avec nous, il sera… — Non, je… Je préfère que tu ne lui dises pas maintenant, s’il te plaît. Tu sais… Il a été présent quand j’en avais besoin et j’aimerais lui faire la surprise. — Tu as raison, c’est une excellente idée, Logane. Mais dis-moi ? Je sais que tu désires que personne ne sache qui est en réalité ton frère… — J’ai suivi le cours des choses, papa… — Oui, c’est vrai et tout est de ma faute. J’en suis désolé. Mais tout ça, c’est du passé… Je suis seul à présent et je me fiche de savoir ce que peuvent penser les gens ! — On verra quand je serai arrivée, mais… avec sa célébrité soudaine, je n’ai pasenvie qu’on dise qu’il m’a proposé de travailler avec lui, car je suis sa sœur et non pour ce que je peux lui apporter professionnellement parlant. — Logane, ton frère sait que tu as du talent et des capacités pour travailler pour lui ! Il m’a parlé du livre que tu as écrit et c’est pour cette raison qu’il a décidé de te proposer de travailler sur les scénarios de la série… — Je ne sais pas si j’arriverai à être à la hauteur... surtout avec les acteurs qui… Je m’interromps, prenant conscience des mots qui viennent de franchir mes lèvres. Je peste silencieusement tandis que j’entends un ricanement au bout du fil. OK, je comprends que Paul lui a tout raconté. — Euh… Écoute, je dois te laisser. Il faut que j’aille me préparer. — Très bien. Je te réserve un vol et prépare ton arrivée, ma chérie. Je te tiens au courant. — Merci, papa, et n’oublie pas… — C’est promis, je ne lui dirai rien. Je t’aime, ma puce… J’ai du mal à déglutir et hésite à mettre fin à notre conversation. — À bientôt, papa… Je me laisse aller contre le dossier du fauteuil, poussant un long soupir de soulagement. Je ne sais pas trop comment entrevoir le déroulement de la situation entre mon père et moi, mais une petite voix me dit que tout se passera bien. Je prends encore quelques minutes pour remettre mes idées en place. Je suis soulagée de m’être excusée. C’est comme si je venais d’ôter une épine de mon pied. Comme tous les matins, j’allume mon PC et regarde mes e-mails. Je découvre avec stupeur que j’ai une dizaine de messages de Curtis. Que me veut-il encore ? Tremblante, je clique sur l’un d’eux au hasard. C’est toujours la même chose. Il me supplie de revenir vers lui. Je n’en crois pas mes yeux, il est complètement fou. Après ce qu’il m’a fait endurer, il voudrait que je rampe à ses pieds ? J’en ai assez, je ne prends pas la peine de lire les autres. Je les sélectionne et les envoie directement dans ma corbeille. Après avoir jeté un œil aux autres messages publicitaires, je ferme ma messagerie en soupirant. Je regarde mon écran et un sourire se dessine sur mes lèvres sans que je ne m’en rende compte. Il est anormal de fixer son écran de la sorte. Je lève les yeux au plafond, me disant que je devrais arrêter de m’extasier devantce corps sublime qui hante mon écran et mes rêves depuis plus de deux ans. — Tu as fini de le dévorer des yeux comme ça ! Mel… Elle m’a fait peur. Je la regarde et lui souris en remarquant qu’elle tient un plateau contenant deux tasses de café fumant. Elle le dépose sur le lit. Elle est si adorable. Je la rejoins de suite. — Tu es un ange, Mel. — Je pensais que ça te ferait plaisir d’avoir ton petit-déjeuner au lit après notre conversation de cette nuit. J’espère que tu ne m’en veux pas d’avoir été un peu trop brusque ? Ses yeux gris pétillent d’appréhension. Je plonge mon regard dans le sien et lui offre un large sourire, la rassurant aussitôt. — Bien sûr que non, Mel. À vrai dire, parler avec toi a été une très bonne chose… Tu m’as ouvert les yeux concernant mon père et... — Et ? — J’ai pris ma décision. Je l’ai appelé. — Attends une seconde ! Tu l’as appelé ce matin… — Oui et… Je m’interromps volontairement et scrute l’étonnement qui se dessine sur son visage. Elle se met à éclater de rire et me prend dans ses bras. Je ferme les paupières sous cette étreinte amicale qui me manquera énormément. Elle est tellement gentille avec moi. Je ne peux m’empêcher de verser des larmes, elle me manquera tellement. Mel et moi, c’est une grande histoire d’amitié. Nous nous sommes rencontrées il y a très longtemps. J’étais scolarisée dans une école privée, je devais avoir onze ou douze ans la première fois que je l’ai vue. Elle venait d’ailleurs de se faire expulser du cours de français, alors que je faisais mes premiers pas dans l’établissement. Je m'en souviens, comme si c’était hier. J’attendais dans le couloir, pendant que ma mère s’entretenait avec le directeur, lorsqu’elle est arrivée comme une furie, insultant le manque de respect – selon elle – qu’avait eu son professeur. J’avais été prise d’un fou rire. Après cela, nous avions conversé, tout d’abord sur les raisons de son renvoi et quelques minutes plus tard, de nos vies... Ainsi, nous étions devenues les meilleures amies du monde. Aujourd’hui, elle est bien plus que cela. Elle avait toujours su comment me réconforter quand ça n’allait pas et trouvait toujours les mots justes pour m’aider dans toutes les situations. Vers l’âge de dix-sept ans, nous avions fait ce que toutes les jeunes filles de cet âge font. Les sorties, les petits flirts sans grande importance étaient nos moments… Un jour, elle avait connu un garçon prénommé Mathias. Il était très bien et j’étais très contente pour eux. Mel avait les yeux pétillants d’amour pour lui. Seulement, leur histoire avait été très courte, car il devait suivre ses parents en Angleterre. Habituellement, Mel se montrait très courageuse et très forte, mais cette fois-là, elle avait craqué. Durant deux années, elle avait été complètement perdue, faisant les pires bêtises qu’une adolescente puisse faire. J’avais bien évidemment tenté de l’aider au mieux, mais il m’avait fallu du temps… Et maintenant, elle était devenue si belle, si professionnelle dans la vie qu’on aurait du mal à croire toutes les péripéties de son adolescence.Rousse, les cheveux courts depuis peu, ses mèches dorées dansant à présent sur son front. Je me détache de son étreinte et souris devant la moue malicieuse que ses lèvres forment. — Alors, tu as pris ta décision ? — Oui… j’attends le billet d’avion. — Ah, ma chérie, je suis tellement heureuse pour toi, me dit-elle en m’enlaçant dans ses bras. Tu mérites cette vie, Logane… et ton frère ? Il a dû être aux anges quand tu le lui as annoncé ? — Il ne le sait pas encore. J’ai demandé à mon père de ne rien lui dire. J’ai envie de lui faire la surprise. Nous éclatons de rire comme de vraies gamines, excitées toutes les deux à imaginer la tête que Paul fera quand il me verra débarquer au pays de l’Oncle Sam. — J’espère que tu réussiras, Logane. Je suis certaine que tu feras fureur pour la série… — Oh, je n’y ai pas encore pensé… justement, ça me fait un peu peur… — Eh, tu sais très bien que tu y arriveras. En plus, tu es une fan inconditionnelle de cette série télé ! Tu as toujours ton mot à dire quand un épisode se termine… — C’est totalement différent ! — Bon, si tu le dis… mais je peux te demander une faveur ? — Bien sûr, tout ce que tu voudras… — Tout ce que je veux ? demande-t-elle en haussant un sourcil malicieux… *** Alors que nous venons de finir notre petit-déjeuner, je sens le regard insistant de Mel qui pèse sur moi. — Qu’est-ce qu’il y a ? demandé-je d’une voix inquiète à la vue de son visage tendu. — Oh rien… — Je t’ai dit oui pour l’autographe… — Ce n’est pas ça, Logane. — Tu m’inquiètes vraiment. Qu’est-ce qui ne va pas ? — Mais je vais bien, je t’assure, répond-elle en souriant légèrement. — Si tu penses à l’endroit où tu vas vivre, alors je t’arrête tout de suite ! Faisant de grands yeux ronds, elle me regarde, étonnée que je fasse bien allusion à ses pensées. — Tu sais, je n’ai pas envie de vendre la maison et, le temps que je serai partie, j’aimerais que tu restes ici. — Tu en es… — C’est certain, Mel ! la coupé-je en souriant. Nous vivons ensemble depuis plus de trois ans, ne l’oublie pas. Tu es ici chez toi. Elle ne dit rien et fronce les sourcils. Elle aurait dû savoir que je ne lui demanderais jamais de partir comme ça. Mel était venue vivre avec ma mère et moi pour nous aider, quand maman avait eu besoin d’une surveillance constante, lorsque son état s’était aggravé. Étant aide-soignante dans un hôpital de la ville, mon amie avait accepté de venir prendre soin d’elle et quand, peu à peu, sa santé s’était détériorée, Mel avait fini par accepter de venir vivre avec nous. — Merci beaucoup, ma Logane, murmure-t-elle en claquant ses lèvres sur ma joue. — De rien... Bon, il faut que je prépare mes valises, aujourd’hui. — Je vais te donner un coup de main. Que feras-tu de ça ? Je tourne les yeux vers la direction qu’elle montre de sa main. — Mon ordi ? — Oui. Mais je te parle de tout le travail que tu as fait pour un certain acteur. Un grognement sourd s’échappe de mes lèvres devant son air railleur. — J’ai tout prévu, ne t’inquiète pas pour ça. — Tu vas abandonner le forum ? s’exclame-t-elle, choquée. — Il est entre de très bonnes mains, tu sais. J’ai demandé à une des modératrices d’en devenir l’administratrice. Et ça fait un moment que je ne me suis plus intéressée au forum et à SON actualité. — Tu vas me faire croire ça ? rétorque-t-elle en éclatant de rire. — Je n’ai plus assez de temps ! me défends-je. — Mais… ne me dis pas que tu as dit à tes membres que tu partais là-bas ! — Bien sûr que non ! Je n’ose même pas imaginer ce qu’elles pourraient dire si elles savaient que je leur ai caché le lien qui me lie au réalisateur de la série qui fait fureur ! Tu imagines… je serais harcelée pour savoir ce qu’il se passerait dans les prochains épisodes… — Et sur Michael ! Je sens mes joues rougir à ce prénom si doux et si chaud à mes oreilles. Je baisse la tête vers mon écran et regarde les yeux bleu vert qui me fixent. C’est vrai que cet acteur est une vraie bénédiction pour toutes les femmes, quoique… sur ce que je sais de lui depuis un mois environ, beaucoup de fans seraient bien attristées… Le ricanement de Mel me fait revenir sur Terre. — Michael est un acteur qui joue dans cette série, oui… et alors ? — Mais... Qu’as-tu appris sur lui pour que… — Rien de grave, la coupé-je avant de soupirer de résignation. Paul m’a seulement dit qu’il en avait assez que toutes les fans hystériques lui tournent autour. Il y a environ deux mois, il a pété un câble dans le bureau de mon frère. Ils se sont disputés et, à priori, Paul a été blessé par la façon dont il a parlé de ces femmes qui sont prêtes à tout quitter pour se jeter dans ses bras. Mais bon, il est célèbre et je peux comprendre qu’il doive en avoir marre. — Mais tu as été déçue toi aussi… Je pousse un gémissement d’agacement. Comment fait-elle pour toujours savoir ce que je ressens ? — Oui, en effet, j’ai été déçue, mais tu sais, je suis réaliste, Mel. Je ne m’attends pas du tout à ce qu’il me remarque. — Oh, attends une minute ! Tu es la sœur de son patron si je puis dire ! Tu vas certainement le rencontrer très souvent, de plus si tu bosses avec… — Ce n’est pas encore sûr. Je veux bien donner mes idées à Paul, mais pour ce qui est de parler avec les acteurs… — Ne dis pas de sottise ! En tout cas, j’espère que tu me diras tout ! — Je n’ai jamais eu de secrets pour toi, ma petite Mel… Je peux savoir ce qui te fait rire ? — Oh, je ne me moque pas. Imagine un peu que Paul lui dise que tu lui as consacré un forum et… — Non ! la coupé-je immédiatement. Il ne ferait jamais ça… il croit que je l’ai supprimé depuis plus d’un an… et j’ai confiance en mon frère. — Si tu le dis ! En tout cas, je te souhaite tout le bonheur du monde, Logane. Je la remercie d’un doux sourire et nous commençons à préparer mes bagages. Au bout d’une heure, la sonnerie du téléphone interrompt de suite mon geste. Je soupire d’exaspération et décroche. — Comment va ma sœur préférée ? Mon visage s’illumine aussitôt en entendant la voix de Paul. Mel me sourit et sort de la chambre, me laissant ainsi un peu d’intimité. — Paul, ça me fait plaisir de t’entendre… Il rit tandis que je m’écroule sur le lit. — Je suis très heureux de t'entendre aussi, ma puce. Dis-moi, comment tu vas ? — Je vais très bien. Et toi ? — Tout va bien ici. Emma est partie en Australie pour une quinzaine de jours. — Son père a encore des problèmes de santé ? — Oui, souffle-t-il d’un air las. Mais bon, les médecins préfèrent qu’une personne veille sur lui tant qu’il ne s’est pas encore adapté au nouveau traitement. — Je suppose qu’elle doit beaucoup te manquer… — Bien sûr. Elle me manque déjà. Mais, je n’ai pas le temps de penser à elle chaque seconde, on a eu quelques petits problèmes pendant le tournage. — Grave ? — Rien qui ne puisse s’arranger. Mais nous devons revoir les scripts du prochain épisode. À ce propos, as-tu réfléchi à ma proposition ? Je ne peux m’empêcher d’émettre un soupir d’exaspération. Je dois jouer le jeu si je veux que la surprise soit réussie. Mais là, que lui dire ? Paul lit en moi comme dans un livre ouvert et il m’a toujours dit qu’il savait quand je disais la vérité ou non. Cette fois, je dois faire comme si de rien n’était. — Je n’ai pas encore pris ma décision, Paul… Et j’avoue que je ne tiens pas trop à être entourée par tout ce show-business. — Qu’est-ce que tu racontes, ma petite Lolo ? — Arrête un peu de m’appeler comme ça, je ne suis plus une gamine ! me renfrogné-je en roulant des yeux. — Tu seras toujours ma petite Lolo… ma petite sœur. Écoute-moi… je ne comprends pas que tu sois aussi réticente à venir ici. Si ça peut te rassurer, je ferai tout pour éviter que ces personnes t’approchent… — Tu sais aussi bien que moi que ce ne serait pas possible. Tous les paparazzis te mitraillent partout où tu vas. Tu es invité dans les cérémonies et les soirées V.I.P et je vois bien que ça te plaît de figurer sur les photos des journaux ou magazines ! — Quoi ? Me faire prendre en photo ? — Non. Mais toutes ces fêtes et… — Logane, arrête ! Tu devrais savoir que depuis toujours… — Je sais, Paul… excuse-moi. Mais ça me fait peur tout ça. — Tu ne crains rien. Je serai toujours près de toi. Et ça, c’est une bonne raison pour que tu viennes vivre ici, non ? — La meilleure, oui, avoué-je en grimaçant. — Tu me promets de prendre une décision rapidement ? Il est vraiment tenace, mais je dois bien réaliser que c’est un caractère de famille. Je sais qu’il est impatient de savoir si je finirai par accepter, et je peux même imaginer ses traits tirés par l’irrésistible envie de m’entendre dire oui. Mais je lui réserve une surprise, et je ne veux rien gâcher. J’ai trop hâte de voir la tête qu’il va faire ! Oh, il m’en voudra certainement de l’avoir laissé mijoter pendant tout ce temps, mais je prends un malin plaisir à le lui cacher. — Eh, tu es toujours là ? — Euh, oui. Écoute, Paul, je te le dirai tout de suite quand j’aurai pris ma décision, d’accord. Il pousse un long soupir. — Très bien… Bon, je dois te laisser, ma puce. — OK. À bientôt ! Et j’espère que tu régleras vite tes petits soucis. — Oui, mais ça devrait aller, ne t’inquiète pas. Tu sais bien que je m’en tire toujours. J’ai hâte de te revoir, ma Lolo, je t’adore… Je n’ai pas le temps de lui dire quoi que ce soit qu’il raccroche. Perplexe, je me lève et repose le téléphone sur son socle. Mon regard est attiré malgré moi vers l’image qui est toujours sur l'écran de l’ordinateur. Je suis complètement cinglée et vraiment trop rêveuse ! Je peste toute seule et d’un geste vif, j’arrête mon PC comme s’il venait de me brûler. C’est étrange cette sensation que j’éprouve chaque fois que je pose les yeux sur lui. Au début, je me disais que c’était certainement ma crise d’ado qui n’était pas encore passée, mais en allant sur les sites qui lui étaient consacrés, cette idée s’était échappée de mon esprit aussi vite qu’elle y était venue. Effectivement, je n’étais pas la seule femme de plus de vingt-cinq ans à être tombée sous son charme. Michael Roller dégageait quelque chose de mystérieux qui était incroyablement attirant. C’est d’ailleurs assez déstabilisant pour ne pas dire frustrant, d’essayer de découvrir ce petit côté qu’il aime d'ailleurs cacher au grand public. Bon, je sais que j’aurais pu en apprendre plus sur lui en questionnant simplement mon frère, mais je ne voulais pas qu’il sache que j’étais complètement tombée sous le charme du héros de sa série. Je me serais sentie si ridicule en l’imaginant bien éclater de rire à la moindre occasion pour me charrier. Pourtant un jour, sans le vouloir, Paul m’avait donné une information qui était néanmoins très intéressante. Il faut dire que le jour où il m’avait appelée, il n’avait pas le moral. Il s’était confié à moi et j’en étais très touchée d’ailleurs. En fait, ce n’était pas Paul qui avait des problèmes, mais son acteur. Des rumeurs sur sa sexualité allaient bon train, le disant un jour avec une femme, le lendemain avec un homme. Michael n’en pouvait plus moralement d’être toujours questionné ainsi sur sa vie privée, et ce, malgré le démenti qu’il avait officialisé et confirmé auparavant. Paul lui en avait touché deux mots, car il n’était plus aussi concentré sur le tournage, et cela posait problème pour lui. Mon frère est si attentionné envers ses acteurs qu’il tente toujours d’arranger les soucis des uns et des autres afin qu’ils disposent de toute leur énergie sur le tournage. Je souris en repensant que je lui avais dit que tout était possible. Que n’avais-je pas dit là ?! Michael ? Homo ? Non, mais tu es malade ! Je connais Mike et je peux te dire que le sexe opposé l’attire ! m’avait-il répondu en s’exclamant d’une voix sérieuse. Le soulagement était monté en moi à sa réplique, mais je devais garder cela… même si je rage quand je constate que certaines filles ont tendance à croire les potins. — Logane ? Je te dérange ? J’esquisse un large sourire à l’adresse de mon amie qui se tient sur le pas de la porte. — Non… entre. — Tu as laissé ton portable en bas, tu as reçu un message. Je hausse un sourcil interrogateur et attrape le téléphone qu’elle me tend. Je regarde sur l’écran et constate que c’est Curtis ! — Ce n’est pas vrai… Je n’ai pas envie de l’entendre, de le rappeler ou de savoir quoi que ce soit de lui. Il est allé trop loin… — C’est encore lui ? me demande Mel d’une voix inquiète. — Oui. Ça fait plus de trois mois que tout est fini et il n’y a pas une seule journée où il n’essaie pas de me contacter. Il commence sérieusement à me gonfler ! Elle se met à rire, mais c'est nerveux. Je le sais. — Raison de plus pour que tu quittes le pays. — Oui. Et le plus vite possible sera le mieux, j’ai l’impression, lancé-je dans un murmure. — Que veux-tu dire ? Il t’a encore menacée ? Je ne réponds pas et lui tends mon portable afin qu’elle lise le message elle-même. Bon, vu son visage qui pâlit d’inquiétude manifeste, elle n’a pas l'air d'apprécier ce texto également. — Non… mais attends ! Il est fou allié ! Tu devrais prévenir la police une bonne fois pour toutes ! Tu as bien compris ce qu’il veut dire par là ? Tu as l’air de ne pas t’en faire, toi ! crie-t-elle, effrayée. — Je pars vivre à des kilomètres d’ici très bientôt, Mel. Ne t’inquiète pas, tu veux ? Elle lève les yeux au plafond et secoue la tête. — Ne pas m’inquiéter ! Tu réalises qu’il te fait une menace de mort là ? — Je ne pense pas qu’il agira de la sorte, Mel. Il veut juste me faire peur pour me voir ramper à ses pieds, et je ne me laisserai plus avoir, je peux te l’assurer…
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Merci à ma Julie qui est resté à mes côtés et aux copines auteurs Francoise, Pierrette, Mell ! Un bon moment passé avec vous également pour Lena et Marion ! Et les visites des lecteurs, juste extra Nathalie, Fleur, Aurélie, Nico, Alfreda, ma chéwie Frédérique et Stef ! Un bonheur de vous voir ! Un grand merci aux miens qui sont venus également me soutenir au salon Thierry, Véro et leurs loulous. Et vous tous qui sont venu(e)s nombreux (ses) ! Je vous dis juste à très vite ! Pour ceux qui sont déçus de ne pas être venus, rendez-vous au salon de Loos le 28 novembre. Résumé :
Je n’oublierai jamais, c’est une chose impossible. Les images de son visage déformé par la haine sont toujours bien ancrées dans mon esprit… Les douleurs reviennent constamment mais je sais que Michael est là. Néanmoins, je n'ai nul besoin qu’il souffre avec moi. Je peux le faire seule. Pourquoi tout ce bonheur qu’il m’offre ne cesse-t-il de m’échapper ? Je ne me mérite peut-être pas d’être heureuse. Tel est sans doute mon destin… Sortie aux éditions Sharon Kena : 20 janvier 2015
Extraits J’essaie d’ouvrir à nouveau les paupières, mais le moindre mouvement me fait si mal que je les referme aussi vite.
Je reste dans l’obscurité, à demi somnolente. Mon crâne est douloureux… si douloureux que je prie qu’il en finisse avec moi rapidement. J’entends au loin des murmures… Puis, plus rien… J’ai peur… Curtis n’est pas seul. Mon Dieu… Que va-t-il faire de moi ? Michael… Je ne cesse de penser à lui, au mal qu’il doit éprouver à cet instant. De nouveau, j’entends de faibles sons me parvenir. Dans un ultime effort, je me concentre tant bien que mal et ouvre les yeux. Dans un épais brouillard, je distingue la pièce dans laquelle je me trouve. Elle est assombrie par des volets qui ont été fermés. J’ai l’impression que dehors, il fait déjà nuit. Aucune lueur ne parvient à filtrer des lamelles de la persienne. Où suis-je ? J’essaie d’analyser la situation dans laquelle je me trouve. Rapidement, un sanglot s’échappe de ma gorge asséchée, en remarquant que je suis ligotée sur un lit. Dans un faible mouvement, je ressens quelque chose qui retient mes chevilles, les serrant durement contre ma peau fine. Pour mes mains, c’est la même chose. Elles sont maintenues, à la tête du lit, par des liens serrés. Je tente de tirer dessus, mais je n’ai pas assez de force pour y parvenir. Des larmes coulent le long de mes joues meurtries. Je tourne la tête et découvre une chaise à côté de moi. Une table de chevet est disposée près de ma main droite, face à cette chaise sur laquelle Curtis a dû prendre un malin plaisir à m’observer pendant de longues heures. Une petite lampe se trouve sur la table et à son côté, trois boîtes de médicament, un verre d’eau rempli et une seringue qui effraie ma vue. Mon prénom est prononcé quelque part dans la pièce d’à côté. Une voix de femme. Puis celle que j’aurais voulu ne plus jamais entendre. Je referme les paupières, espérant que tout ceci ne soit qu’un terrible cauchemar. *** Michael La tension est presque palpable dans la salle à manger de Paul à l’arrivée d’une jeune femme. Je la fixe, la détaille avec un regard soupçonneux depuis un coin de la table, éloigné de Conelli et McDonell qui restent figés à son entrée. Elle est aussi grande que Logane, mais sa posture lui donne beaucoup plus d’assurance. Vêtue d’un pantalon et d’une veste de cuir, elle me lance un regard noir avant de le reporter vers McDonell qui est le premier à s’avancer vers elle. L’inconnue ôte, de ses lèvres, la cigarette qu’elle fume et lui sourit tout en déplaçant, de son front, une mèche brune qui s’est échappée de sa queue de cheval. – Manson ! Tu as fait vite, lui dit-il en la saluant d’un signe de la tête. – Ouais, comme toujours. Tu peux m’en dire plus ? – Toujours aussi rentre-dedans, entends-je Conelli marmonner avant de soupirer d’agacement. – Je vais t’expliquer… tu me laisses cinq minutes ? Elle hoche la tête et le suit du regard tandis qu’il se dirige vers la cuisine pour rejoindre Paul et Emma. Je reste silencieux, baissant les yeux vers mes mains jointes sur la table lorsque son regard inquisiteur me scrute. Du coin de l’œil, je la vois s’avancer vers la longue table où je me tiens, ainsi que trois agents qui esquissent un sourire tout en discrétion. Je me demande ce qui leur arrive ? Est-ce cette femme qui les amuse ? Soudain, j’ouvre les yeux en grand alors qu’elle crache sa fumée devant le visage de Conelli qui reste planté devant elle. Puis, il baisse le regard vers la coupelle où les cacahuètes sont installées pour les agents. Elle écrase sa cigarette. – Eh ! C’est pas un cendrier ! râle Conelli en la foudroyant d’un regard désapprobateur. – Je sais, répond-elle calmement. – T’as vraiment pas changé, toi ! Toujours aussi je-m’en-bats-les-couilles des choses qui ne t’appartiennent pas ! – Et alors ? Il a l’air désemparé et secoue la tête avant de prendre une inspiration tandis que les trois autres agents rient dans leurs moustaches. Amusé, je serre les lèvres pour éviter de laisser échapper un léger rire malgré la situation délicate dans laquelle Logane se trouve… ce qui me ronge… amèrement… – Mais tu sais où on est ici ? – Heu… ouais ! Galien m’a prévenue. C’est la baraque du plus grand réalisateur du moment de toute la Californie, nan ? – C’est exact ! Alors, tu peux respecter ces gens un minimum, non ? – Heu… bien sûr… Mais qu’est-ce qui te prend au juste, Conelli ? Ne me dis pas que tu te fais du souci pour ce foutu cendrier ou… ta coupelle ? Il a assez de fric pour s’en payer, bordel ! Je déglutis péniblement, surpris par le langage de cette femme. – Ho je vois ! reprend-elle avant de prendre une profonde inspiration. Je t’ai tellement manqué que t’es énervé de ne pas avoir assez de contrôle sur ta petite chose ? T’inquiète pas, mon chou, je suis tout aussi excitée que toi de retravailler ensemble sur cette affaire. On va bien s’amuser, tu verras . Je n’en reviens pas… Elle prend cette affaire pour un jeu ? Et Conelli qui reste la bouche ouverte, incapable de la remettre à sa place ! Furieux, je me lève d’un bond et sors de la pièce rapidement. Il faut que je m’entretienne avec Galien… Et tout de suite. Je le trouve avec Paul et d’Emma. La discussion s’arrête dès qu’ils m’aperçoivent. – Je peux vous parler ? demandé-je sèchement à l’adresse de Galien. – Bien sûr, répond-il en hochant la tête avant de me faire comprendre d’un signe de la main de le suivre à l’extérieur. – Michael… – Laisse-moi, Paul, soufflé-je en évitant sa main qu’il tente de poser sur mon bras pour me retenir.
Extraits : Je m’effondre enfin sur le canapé, poussant un long soupir de lassitude.
Je viens de raccompagner la dizaine de pompiers à la porte de chez Logane. Le feu s’était rapidement déclaré, mais heureusement que tout a été maîtrisé à temps. Je ferme les yeux, épuisé par les événements. Logane avait éclaté en sanglots dans mes bras alors que je me sentais encore bouleversé par cette terrible frustration. Bien sûr, je m’étais très vite repris pour la consoler au mieux. Tout le repas qu’elle avait préparé avec amour s’était simplement envolé en fumée. Sa cuisine était à présent dans un état pitoyable. Les murs étaient cramoisis par une épaisse fumée dégoûtante. L’odeur était tellement atroce et l’air irrespirable que le chef de la caserne, qui s’était déplacé avec ses hommes, avait réussi à persuader Logane de partir de chez elle quelques jours, le temps que l’odeur disparaisse... À court de patience, j’avais pratiquement crié sur elle pour qu’elle sorte immédiatement de la maison. Elle m’avait lancé un regard furieux et m’avait arraché le trousseau de clés que je lui tendais. J’inspire profondément et maudis inlassablement d’avoir encore été autoritaire avec elle, alors que ma gorge est tiraillée de picotements. Je me lève d’un bond et vérifie que toutes les portes sont fermées. Je laisse la fenêtre de la cuisine entrouverte sur les conseils prodigieux des soldats du feu et sors sur la terrasse. Quelques minutes plus tard, j’entre dans ma chambre et souris légèrement à la vue de Logane qui est paisiblement endormie dans mon lit. Je m’avance vers la salle de bain et prends une douche afin de me débarrasser de l’odeur insoutenable de brûlé Dix minutes plus tard, vêtu uniquement d’un boxer, je m’approche lentement. Logane est allongée sur le ventre, la tête enfouie dans l’oreiller. Je soulève un peu la couverture pour m’y glisser. Aussitôt, le désir m’assaille en constatant qu’elle ne porte rien. Lentement, je pose une main sur son dos avant de la descendre le long de sa colonne vertébrale. Elle bouge légèrement, émettant un grognement faible. Je continue ma caresse et dépose un baiser sur son épaule. Elle frissonne. *** J’essaie d’ouvrir une paupière, mais je me sens étrangement légère, sans force. Que s’est-il passé ? Une chaleur envahit ma main droite alors que je me sens frigorifiée… Mike… C’est lui... Je redouble d’effort pour lever mes paupières lourdes qui me pèsent. Je suis groggy. J’ai la nausée. Alors que je me sens de plus en plus mal, j’essaie de me redresser, les yeux toujours clos. Une main vient alors recouvrir mes lèvres. Une odeur que je reconnais envahit mes narines… Là, la panique m’envahit derechef. J’ouvre les paupières. Mon cœur manque un battement, puis deux… Que fait-il ici ? Comment a-t-il fait pour me retrouver ? Curtis... Je n’ai pas le temps d’analyser la situation insupportable dans laquelle je me trouve que je sens le gouffre se refermer sur moi tandis que je suis soulevée du lit sans ménagement.
Extraits : Je n’en reviens pas que mon frère m’ait fait cela !
Je relève les yeux vers Michael et déglutis péniblement en remarquant cette lueur de désir qu’il a dans le fond de son regard. Il est vêtu d’un short noir et d’un tee-shirt blanc à courtes manches. Cette simple tenue me fait tout de même un effet dévastateur. – Si tu me demandes de déménager, je le ferai ! me dit-il en gardant son sourire en coin. – Ne sois pas ridicule. – Tu devrais sortir de l’eau, tu vas attraper un coup de soleil. Surprise par cette parole, je le regarde droit dans les yeux et pense y lire un sentiment cynique de sa part. Soudain, son sourire s’efface et il me tend la main pour m’aider à sortir de la piscine. Me retenant à grand-peine d’éclater de rire en imaginant ma petite vengeance, je pose ma main dans la sienne et plonge mon regard dans le sien. Alors qu’il agrippe mes doigts, il se redresse un peu dans l’intention de me tirer vers le haut, mais j’en décide autrement. Il a à peine le temps de comprendre les raisons pour lesquelles je garde les jambes tendues vers la paroi du bassin qu’il se retrouve déjà dans l’eau. – Pourquoi t’as fait ça ? me demande-t-il, furieux, en passant une main sur ses yeux. – Tu n’avais pas à entrer ici sans y avoir été invité, Roller ! – Très bien ! Donc, c’est une vengeance ? me demande-t-il en soudant son regard au mien. – Non… enfin, oui, avoué-je en reculant lentement tandis qu'il avance vers moi. Je ne peux continuer ! Mon dos est collé contre le bord du bassin tandis qu’il brise le dernier mètre qui nous sépare. Il pose ses mains de chaque côté de mon corps. Je saisis rapidement ses intentions, mais je ne peux plus fuir alors que son visage est à quelques centimètres du mien. Mon regard le supplie d’arrêter, mais il ne comprend pas mes prières. Incapable de faire le moindre mouvement ni même d’émettre un son, il capture mes lèvres. J’aurais dû le repousser, fuir. C’était d’ailleurs ce que mon instinct me soufflait de faire. Mon instinct de survie. Au lieu de cela, je reste debout, le corps pressé contre le sien, mes seins écrasés contre son torse. Je sens les derniers lambeaux de logique et de raison s’anéantir, semblables à des volutes de fumée dissipées par le vent. Jamais un autre homme n’avait su faire jaillir en moi des sentiments aussi vifs. Amour, joie, frustration. Passion... Lorsque sa langue vient s’enrouler à la mienne, le désespoir m’envahit. Le désespoir et… un désir intense. J’essaie néanmoins de ne pas réagir à son contact, de devenir insensible à son magnétisme, mais autant demander au soleil de ne pas se lever ! Sans m’en rendre compte, j’émets un gémissement de pur plaisir alors que ses mains descendent le long de mon corps. Je ne peux plus résister, j’abandonne à présent avec une appréhension totale, les dernières barrières de mon cœur, de mon âme. *** Je vais finir par arracher le peu de cheveux que j’ai sur le crâne si cela continue ! Paul vient de me passer un coup de fil, me racontant ce qu’il s’est passé avec Logane. Je me demande dans quel état elle doit être. Elle va m’en vouloir, elle sera furieuse après moi pour ne rien lui avoir dit au téléphone. Bon, Mike, ce n’est pas l’heure de parler tout seul ! J’inspire profondément tandis que je continue inlassablement de scruter l’allée devant la maison. Logane n’est toujours pas arrivée, j’espère qu’il ne lui est rien arrivé en chemin. Comment Paul pouvait-il avoir une telle confiance en ces hommes qui sont censés la protéger ? Bon, j’avoue avec ce qu’il s’est passé, ils ont fait du bon travail. Je peste toujours comme un homme édenté de quatre-vingt-dix ans et ferme les yeux, tentant de garder mon calme, mais le fou rire me prend soudainement à l’idée d’imaginer Logane se débattre contre le garde du corps. Je cesse très vite de rire, pensant à l’état d’esprit dans lequel elle doit se trouver. Ha, je vais enfin le savoir, me dis-je en voyant une grosse berline noire aux vitres teintées pénétrer dans l’allée. Je sors de suite et reste sur le seuil de la porte tandis que la voiture s’arrête devant moi. Je descends les trois marches du perron avec appréhension et m’arrête quand un homme descend du véhicule. – Monsieur Roller, bonsoir. – Heu... bonsoir. Où est Logane ? – Elle est ici, ne vous inquiétez pas, répond le passager en ouvrant la portière arrière. Je fronce les sourcils et m’approche tandis que les hurlements de Logane me font presser le pas. Elle se débat. – Lâchez-moi, espèce de sale gorille de merde ! – Logane ! Lâchez-la tout de suite ! ordonné-je à l’homme. Celui-ci sort de la voiture sans relâcher sa prisonnière. – Bonjour, Monsieur Roller. Je vous l’ai ramenée et j’espère que, la prochaine fois, elle se conduira comme une personne civilisée. Vivement, elle se tourne vers l’agent de sécurité. – Quoi ? C’est vous qui n’êtes pas civilisé, espèce de grand malade ! Je grimace sous l’insulte tandis que l’homme sourit, visiblement amusé de la voir aussi déchainée après lui. Puis, elle se tourne vers moi, furieuse. – Tu sais ce qu’il m’a fait cet… ce préhistorique ? Je secoue la tête, bouche bée à la vue de la colère de Logane qui n’hésite pas à défier le garde du corps devant elle. Il doit peser plus de soixante kilos de plus qu’elle et, avec sa petite taille, elle lui arrive à peine au niveau de sa poitrine. – Logane, viens. Elle ne bouge pas et continue à râler sur leurs façons de travailler. Elle n’est pas possible ! Elle, qui deux semaines plus tôt, était si fragile… bon, je sais qu’elle a un tempérament de feu enfoui en elle, mais de là à l’exposer de cette façon, j’ai du mal à le croire. Je m’avance vers eux et prends le bras de Logane pour l’attirer vers moi. Peine perdue, elle se débat, maintenant. – Vous voulez que je vous aide à mettre cette furie à l’intérieur ? – Oh, souffle-t-elle en essayant de donner des coups de pieds à l’homme. Rapidement, je la ramène contre mon torse et essaie de la garder dans mes bras. – Logane ! Ça suffit maintenant ! Tu te calmes ou je te laisse te débrouiller avec eux ! – Ben, vas-y, qu'est-ce que tu attends ! me dit-elle en me foudroyant d’un regard noir de colère. Je la relâche sous cette parole qui m’assaille en plein cœur. Mais qu’est-ce qui lui prend ? – Tu étais au courant que mon frère les avait mis sur mon dos ? Oh, ne réponds pas surtout, je le sais très bien ! – Non, je ne l’ai appris que tout à l’heure ! Et arrête de hurler, maintenant tu rentres ! rétorqué-je, furieux à mon tour, en la prenant par le bras sans ménagement. – Bon courage, me lance l’homme de la sécurité avant de s’engouffrer dans sa voiture. – Qu’est-ce qu’il a dit ? Il insinue quoi lui ? Ça ne va pas sa tête ! Elle tente à nouveau de se dégager de mon emprise, mais je la tiens fermement tandis qu’elle se baisse vers le sol et ramasse une poignée de gravillons qu’elle lance sur la voiture qui s’éloigne. – Et merde, hurle-t-elle à mon adresse alors que je la fais rentrer dans le salon. – Logane… Logane ! Allez ! Notre première dispute est sur le point d’éclater. Je cours derrière elle à l’étage, mais trop tard, elle vient de me claquer la porte de la salle de bain au nez. Ce n'est pas la peine que j’essaie d’ouvrir, elle s’est enfermée, constaté-je en prenant mon crâne entre mes mains. – Logane, ouvre la porte, s’il te plait. – ... – Ma puce ouvre cette porte ou je la défonce ! – Fous-moi la paix, sale traitre ! Je roule des yeux sous cette accusation. – Je n’en savais rien, je te le promets. Paul me l’a dit quand… – Et tu crois que je vais te croire ? Tu es bien de connivence avec lui, à ce que je vois ! – Ne sois pas stupide… – Mais je suis stupide ! Je suis ici, dans cette maison, dans ce pays, je suis STUPIDE… – Qu’est-ce que tu veux dire ? – Je veux dire que je n’aurais jamais dû l’écouter ! J’aurais dû rester chez moi, dans MON pays ! Paul savait très bien que je ne voulais pas venir ici de peur de subir, ce que je viens de vivre maintenant avec monsieur gorille ! J’éclate de rire sous le coup de sa réplique, mais je me calme rapidement. – Mais… c’est pour ton… – Vas-y, fous-toi bien de moi, Roller ! – Allez, Logane ! Cesse de faire tes caprices, sors de là ! – Des caprices ? Je n’ai jamais fait de caprice de toute ma vie, MOI ! Je souris, satisfait que ma tactique vienne de payer quand elle ouvre la porte et me toise d’un regard mauvais. – Tu oses me dire que ça, c’est un caprice ? Je ne te demande rien à ce que je sache !– T’es calmée ? – Non. Elle essaie de me claquer la porte au nez, mais j’ai juste le temps de glisser mon pied à l’intérieur de la pièce. Et merde ! Elle vient de me bousiller un orteil... Je prends la pointe de mon pied dans ma main et la serre de toutes mes forces, évitant de pousser un cri de douleur. La prochaine fois, je laisserai mes chaussures ! Je m’installe sur le rebord de la baignoire et fais couler l’eau afin d’atténuer la douleur.
Extraits : Les yeux grands ouverts, je regarde le luxe qui s’étale dans les pièces. Je ne suis pas très admirative devant les tableaux accrochés aux murs de part et d’autre, mais je dois bien admettre qu’ils se fondent parfaitement dans le décor. Il se met à rire et passe un bras autour de ma taille pour me faire entrer dans ma chambre. – J’ai souvent du monde ici, je n’ai pas le temps de me retrouver seul, tu sais… Gênée, je baisse les yeux. – Voici ta chambre, ma puce. Elle est à toi jusqu’à ce que tu emménages chez toi. – Merci, papa. Oui, j’avais oublié un instant que mon cher frère m’a acheté une maison ! – Ne sois pas en colère après lui, Logane. Paul rêve depuis toujours de t’avoir à ses côtés. Je ne réponds pas, mais je ne peux m’empêcher de penser que c’est de sa faute si j’ai mis tout ce temps à me décider ! Mon regard se promène dans la pièce et je souris à l’attention dont il a fait preuve pour ma venue. Un bouquet de roses blanches a été déposé, dans un vase en cristal, sur la table de nuit. Je ferme les yeux et respire le parfum envoûtant et apaisant de ces fleurs que j’apprécie énormément. Les murs sont teintés d’une couleur rosée, les meubles en chêne contrastent parfaitement avec la décoration de la chambre. Le lit à baldaquin trône contre un pan du mur, disposé de sorte que les rayons du soleil flottent délicatement sur le visage de la personne qui s’y repose. – Je vais te laisser te préparer, me dit-il en regardant sa montre. Carl a monté tes valises, elles sont dans la salle de bain. Nous avons encore une bonne heure avant de nous rendre à la réception. Je déglutis péniblement à l’écoute de ces mots. Il a dû s’apercevoir de mon trouble, car il s’installe sur le lit et me tend la main pour le rejoindre. Assise à son côté, je triture nerveusement un morceau du couvre-lit. – Logane ? Je sais que tu as pris sur toi pour accepter de venir vivre ici… et je t’en suis très reconnaissant, ma petite fille. Même si tu l’as fait pour Paul, je tiens à ce que tu saches que je suis très heureux que tu sois ici… près de nous. Je retiens comme je peux l’émotion qui monte en moi. – Je… ne l’ai pas fait que pour Paul, papa. Je ferme les yeux un instant pour me donner du courage et serre mes doigts sur sa main qu’il vient de poser sur la mienne. – Je sais que maman aurait voulu que je sois ici, auprès de toi. Quand elle a appris que ta femme était décédée, elle a essayé de me persuader de venir vous rejoindre… Mais je n’ai pas pu… – Je sais que je t’ai fait beaucoup souffrir, ma fille… et tu peux me croire… je m’en suis beaucoup voulu… encore aujourd’hui. – J’espère juste qu’on arrivera à oublier nos erreurs et… que l'on pourra repartir du bon pied, avec toi, Paul et moi… Il me sourit tendrement, ravi d’entendre mes paroles qui lui font énormément plaisir. Il m’embrasse tendrement sur le front et se lève vivement comme s’il ne voulait pas que je voie ses yeux brillants de larmes. Je souris à mon tour et m’aperçois qu’il est déjà près de la porte. – Dépêche-toi de te préparer, ma puce, je t’attends en bas. Je n’ai pas le temps de lui répondre que la porte se referme. Il est très ému et cela me touche d’autant plus que c’est la première fois qu’il me montre autant ses sentiments, laissant paraître un peu les émotions qu'il ressent. Mais je ne peux pas le blâmer ! Moi-même, je ne veux rien laisser voir aux gens de ce que j’éprouve au fond du cœur. Sauf à Paul peut-être… C'est bien le seul à me connaître vraiment. Quoique, je pense que dans peu de temps, il sera complètement perdu quand il s’apercevra que sa petite sœur est ici,totalement et assurément transformée en une jeune femme digne de ce nom. *** Logane n’a pas besoin de confirmer qu’il s’agit bien de lui. – Curtis ? – Monsieur Roller en personne ! Mais que me vaut cet honneur ? – Qu’est-ce que vous lui voulez ? – Oh, mais plus rien… Je n’attends plus rien de cette petite salope. – Répète ? J’ai cru mal entendre. Il me sourit d’un air narquois. – Oh, je vois que madame se tape enfin quelqu’un de son rang. Dis-moi, entre-nous... Elle hurle aussi quand tu lui fais l’amour ? Mon Dieu... Je ferme les yeux sous la violence de ses propos et fonds sur lui, l’empoignant sans préambule par le col de sa chemise. – Qu’est-ce que tu lui as fait ? Espèce de pourriture ! hurlé-je, fou de rage. – Lâche-moi tout de suite, acteur de mes deux ! Tu crois que tu as tous les droits parce que tu t’appelles Roller ? – Michael ! Je reste fixé sur lui tandis que j’entends Sam derrière moi, me demandant de le lâcher. Soudain, plusieurs hommes de la sécurité arrivent vers nous et me prennent par le bras tandis que Curtis se fait menotter. Son regard est railleur, vicieux, et je n’ai qu’une envie : lui enlever le sourire de ses lèvres. Je tente de garder mon calme afin que les deux hommes me lâchent. Quand ils le font, je fonce une fois de plus sur cette ordure et, de toutes mes forces, lui balance mon poing sur sa mâchoire. – Ne t'avise plus de l’approcher ou je te tue ! crié-je, furieux. – Mike, calme-toi ! – Lâche-moi Sam, hurlé-je de rage. Mon regard est toujours ancré dans celui de cette infâme personne tandis que je sens la main douce de Logane frôler la mienne. Je détourne les yeux et lis la panique dans le fond de ses yeux. Elle fuit le regard noir de Curtis qui se porte sur elle. Je me place devant et préviens la sécurité qu’il ne doit plus mettre les pieds dans cet hôtel le temps que nous nous y trouvons. – Logane ! Si tu le laisses faire, ça ira très mal et tu le sais ! le menace l’individu. – Maintenant vous arrêtez, monsieur, ou j’appelle la police, réplique aussitôt un agent de sécurité en l’emmenant brutalement. J’entends alors le souffle court et erratique de Logane. Rapidement, Sam me tend son inhalateur. Je m'empresse de le lui donner en la prenant dans mes bras. – Ça va mieux ? – Tu n’aurais pas dû faire ça…. |
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