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CHAPITRE UN
Riley Le soleil frappe plus que prévu à Riverton, une bourgade paumée dans laquelle je viens de mettre les pieds après plus de dix ans d’absence. Je suis nerveux, je ne peux pas le cacher, mais ça fait des années que je n’ai pas revu mes frères ni mon père. Père qui n’existe plus, d’ailleurs. Il a rendu l’âme la semaine derrière à la suite d’une altercation avec le gang adverse des Droks, les Hells Angels. C’est en partie pour cette raison que je suis revenu au bercail plus tôt que prévu. Le directeur de la prison a eu pitié de mon existence, sans doute. Mais il faut dire que j’ai payé ma dette. À présent, je suis un homme libre. Sheldon a tenu la baraque depuis l’enterrement. C’est ce qu’il m’a dit quand il m’a appelé pour me prier de venir lui filer un coup de main. J’ignore ce qu’il attend de moi, mais s’il pense une seule seconde que je vais reprendre le flambeau de notre paternel, il peut se fourrer le doigt dans l’œil. J’ai assez donné pour les Droks. J’ai beaucoup perdu, plus que je n’ai gagné en jouant au bon fils à papa qui accepte tout et n’importe quoi. Résultat des choses, je me suis retrouvé au milieu d’un bain de sang et j’ai payé cher pour ces putains de conneries alors que je n’en étais pas le responsable. Les enfoirés ! J’éprouve encore beaucoup de rancœurs pour ce qui s’est passé, et ce ne sont pas les coups de fil d’excuses de mon père pendant ces dernières années où je suis resté reclus en cellule qui changeront quelque chose. Il aurait pu me sortir de là, mais il n’a pas bougé le petit doigt quand j’ai eu besoin de lui. Le traître ! Si j’ai accepté de revenir, ce n’est pas pour Tyron Materson, mais pour mes deux frères, Sheldon et Hayden.Ces merdeux me manquent à un point que je n’aurais jamais pu soupçonner si je n’avais pas passé ces putains de longues années en prison. Sheldon n’a que 22 ans, mon âge quand j’ai été arrêté par la police de Springfield. Hayden en a à peine 18. Je ne vois aucun des deux prendre le contrôle des Droks, ils sont bien trop jeunes et insouciants des dangers. Sheldon connaît mon objectif : il sait ce que je veux et,surtout, ce que je ne veux pas. Cependant, j’ai beau lui avoir répété des dizaines de fois que je ne revenais pas pour mener la barque, j’ai la désagréable sensation qu’il va me mettre au pied du mur. Quand je dis qu’il est insouciant ! Il pense sérieusement que je changerai d’avis, mais il se goure complètement. Je ne ferai pas ce plaisir à Tyron, même mort et enterré, mon père peut aller se faire foutre ! Tout ce que je peux faire, c’est lui donner un coup de main, mais au fond de moi, j’aimerais plutôt qu’il se casse de cet endroit avec Hayden. Ils sont encore jeunes et peuvent se ranger comme je compte le faire à présent. Quoique… Quand le taxi me dépose devant le bâtiment qui abrite le logement des Droks et le garage – très bon investissement pour le gang et, surtout, une excellente planque –, j’ai l’impression que toutes mes résolutions s’évaporent comme par enchantement. Tous les souvenirs me rattrapent, me happent littéralement,et je suis incapable de bouger ne serait-ce que le petit doigt. Je reste comme un con, immobile sous le soleil frappant devant l’entrée.Je me souviens parfaitement de la dernière fois que j’ai quitté cet endroit avant de me retrouver à des centaines de kilomètres, enfermé dans une prison d’État pourrie où j’ai appris à me faire un nom par la force des poings. J’étais avec mon acolyte de toujours, Andy. Un gars avec lequel j’ai passé mon enfance. Il s’est retrouvé sous les ordres de Tyron et nous avons passé un certain temps à faire les merdeux pour ramener le pognon dont les Droks avaient besoin, et ce, quoi qu’il nous en coûte. Ce jour-là, il était complètement bourré et venait de retrouver la fille qui l’avait dépucelé trois ans plus tôt. Il rêvait de se la refaire. Shana Brown, la protégée du maire de Riverton, sa filleunique. J’ai insisté pour qu’il aille la retrouver au lieu de venir avec moi comme convenu sur le terraindes Hells Angels. On était juste censés récupérer un paquet de méth et de cocaïne pour le club. D’après mon père, tout devait bien se dérouler. Le chef du gang adverse et Tyron avaient un marché. Rien de tout ça n’aurait dû arriver. Parce qu’après qu’Andy ait filé retrouver Shana, je suis parti avec ma bécane sur le lieu de notre rendez-vous. Là-bas, la tension était déjà bien électrique. Il a suffi d’un mot de trop entre deux gars pour que la bagarre éclate. Je me suis retrouvé dans la merde, les poingsen sang de m’être défendu lorsque les flics sont arrivés. La plupart des gars des Hells Angels ont pu se barrer sans soucis, laissant trois corps inertes sur le sol à mes côtés quand ces fils de putes m’ont chopé. — Riley ? C’est bien toi ! s’exclame une voix que je n’arrive pas à identifier. Les traits durcis par ces putains de souvenirs qui m’enserrent encore la poitrine, je me tourne vers l’individu et le jauge de bas en haut. Il est musclé, mais pas autant que je le suis. Je n’avais que ça comme loisir en prison et j’ai profité de ces dix dernières années pour m’occuper l’esprit – et mon corps par la même occasion. Il possède des cheveux bruns, mi-longs, et des yeux foncés. C’est une montagne tatouée de partout. Des arabesques entourent des crânes humains et d’animaux sur ses bras. Le débardeur qu’il porte m’empêche d’en voir plus, mais des têtes de dragon surgissent vers ses épaules et clavicules. Bien qu’il fasse une dizaine de centimètres de plus que moi, il ne me fait pas peur, contrairement aux mamies qu’il croise à Riverton. — C’est moi, Stan ! m’informe-t-il, visiblement étonné que je ne le reconnaisse pas. — Stan… Hendrik ? lui demandé-je en fronçant les sourcils. Je me souviens de ce gars. Il avait intégré le gang juste avant mon arrestation. D’ailleurs, c’était prévu que je lui mette des bâtons dans les roues avec mon pote Andy, afin de voir si le nouveau en avait dans le bide. Ce qu’il fallait pour être un Droks. — Ouais, mon frère ! C’est bien ça ! Il s’avance vers moi et je me tends lorsqu’il me prend dans ses bras. Visiblement, y en a un ici qui semble ravi de mon retour ! — Comment tu vas, mec, depuis le temps ? — Ça fait un bail, c’est vrai. Je crois que ça roule, grogné-je en passant une main nerveuse dans mes cheveux. Il fait chaud et je déteste cette putain de chaleur qui te fait suer des gouttes sans faire le moindre effort. — Tu viens juste d’arriver ? me demande Stan en baissant les yeux vers le sac de sport qui traîne à mes pieds. — Ouais. — Ne reste pas là, tes frères sont impatients de te retrouver. -- Viens, je t’accompagne ! J’ai envie de lui dire que je n’ai pas besoin qu’il me montre le chemin, je connais la maison, c’était la mienne. Mais je m’en abstiens. Après tout, je ne vais pas commencer à me mettre tout le monde à dos alors que je n’ai pas encore vu mes frères. Je garde ça pour plus tard. Stan est une vraie gonzesse, il n’arrête pas de parler sur le chemin qui nous mène à l’entrée du garage. Mon regard s’immobilise un moment sur la rangée de motos qui se trouve près de la porte du bureau d’accueil. Mon cœur se serre quand je reconnais celle de mon père. — Allez, viens, mon gars ! me lance-t-il en m’encourageant à avancer d’une tape dans le dos. Je le dévisage un instant avec froideur et continue mon chemin. J’ai envie de lui foutre mon poing sur la gueule pour la lui fermer. Ce mec m’insupporte. Je n’aime pas vraiment les gars qui l’ouvrent pour ne rien dire. Cependant, vu qu’il a la langue déliée, je profite pour l’interroger. — Qui s’occupe d’ici ? — Tout le monde ! Je veux dire, tous les membres des Droks, Riley. Ma question semble stupide, mais, dès que je le fixe plus de trois secondes, il baisse la tête et se gratte le menton comme s’il réfléchissait à la façon de m’annoncer un truc important. — En fait… Comme tu le sais, enfin, je crois que tu le sais, c’est Sheldon qui gère le club, le garage et tout le reste. — Il s’en sort bien ? lui demandé-je, intrigué par son expression. — Disons qu’il essaie de faire au mieux, mais y a pas mal de gars qui ne le prennent pas au sérieux. — Comme Larry, je suppose ? — Ouais, il a du mal à se faire à l’idée que ce soit un gamin de 22 ans qui donne les ordres. J’étouffe un petit rire. Je connais Larry depuis toujours. Il a été le bras droit de mon père depuis le début. Déjà à l’époque, il adorait contrarier mon vieux et je suis assez content de voir qu’il n’a pas changé. Ça risque d’être explosif. Mais ici, tout a évolué… C’est la remarque que je me fais intérieurement en pénétrant dans le garage. Un nouveau pont a été installé et une dizaine de voitures attendent d’être réparées. Je me souviens que mon vieux refusait de prendre autant de bagnoles à la fois. S’il y en avait cinq en attente, il pétait des dents. — Eh, les gars ! Venez ici que je vous présente ! Je me crispe, serre les mâchoires tandis que deux gars sortent du dessous de la bagnole qu’ils sont en train de réparer.Je ne les reconnais pas et je pressens que je vais avoir du mal à me faire à ces nouvelles têtes qui se trouvent chez moi. — C’est Riley, les mecs ! — Riley ! s’exclament-ils en chœur. J’arque un sourcil tout en les dévisageant à tour de rôle. Ils sont aussi jeunes que Sheldon, peut-être même de l’âge de Hayden. — Voilà Loyd et Abram, les présente Stan. — C’est quoi, ce bordel, vous les recrutez au berceau, maintenant ? Je n’ai pas pu m’empêcher d’envoyer cette pique parce que ça me sidère. — Euh… Ouais, c’est ton frère qui les a fait entrer dans le club, Riley. Les deux « bleus » perdent leurs sourires. Je les foudroie du regard avant de soupirer de lassitude. Je me tourne vers Stan et lui demande froidement : — Où est-il ? — Dans la Droksroom, répond-il, hagard. Il hésite à me dire quelque chose, mais je m’en fous royalement et m’avance d’un pas rapide vers la pièce réservée aux membres. Là, je me sens aussi con que mon frère à cet instant. Je viens d’ouvrir la porte, le découvrant debout, le falzar en bas des chevilles pendant qu’il est en train de se faire sucer par une pute ! — Putain ! Il hurle en poussant la fille avant de remonter son froc, le visage aussi rouge que le bout de sa queue qu’il camoufle rapidement. J’attrape un fou rire. Je suis incapable de le retenir plus longtemps quand elle se met à lui crier dessus, choquée par la situation. — T’es là, Riley ! clame-t-il en se jetant dans mes bras. Je le réceptionne dans les miens et l’étreins, touché de me rendre compte que mon frère ne plaisantait pas en me disant que je lui manquais et qu’il lui tardait de me retrouver. — T’es sérieux, Shel ! Tu arrêtes cette pipe d’enfer pour faire des câlins à un mec ! Mon frère et moi sommes pris d’un rire tonitruant. Il se détache enfin et se tourne vers la pute qui s’essuie rageusement la bouche. — Ouais, c’est ça ! C’est mon frère, alors, tu ferais mieux de te barrer, je t’appellerai plus tard, Sonia. J’assiste à l’échange de regards glacials entre elle et mon frangin. Une fois qu’elle dégage en claquant la porte de toutes ses forces, j’observe Sheldon et esquisse un large sourire. — C’est ta nouvelle copine ? Ma question le fait rougir de plus belle. Il secoue la tête et me répond : — C’est l’une des nouvelles. Surpris, je fronce les sourcils et penche légèrement la tête sur le côté. — Tu m’expliques ! Ce n’est pas une question que je viens de lui poser. Quelque chose me dit que tout a trop changé ici et je ne suis pas vraiment sûr de vouloir l’entendre. Cependant, Sheldon passe une main sur son visage et me fait signe de le suivre vers le salon en cuir noir – celui de l’époque où je me suis effondré ivre mort à plusieurs reprises. Quelques minutes plus tard, installé sur l’un des fauteuils, je contemple mon frère et hoche la tête, l’encourageant silencieusement à m’expliquer ce bordel. Ce qu’il fait d’une voix mal assurée. CHAPITRE UN
Logane Une fois de plus, je sens mon cœur se déchirer en plusieurs morceaux. Je suis toujours dans cette chambre d’hôpital alors que je regarde ma mère, inerte sur ce lit. Je n’arrive même plus à verser de larmes tant mon corps est vide… complètement vide. Son dernier souffle a eu lieu, il y a une demi-heure. Je m’y étais préparée depuis plus d’un an, mais je n’aurais pu imaginer la puissance de cette souffrance qui m’a traversée quand j’ai vu ses paupières se fermer pour la dernière fois. Je suis toujours assise sur le bord de son lit. Je tiens sa main que je caresse d’un pouce tremblant. Je ne peux pas… Je ne veux pas la quitter. J'entends des murmures derrière la porte et c’est à cet instant que je prends conscience qu’ils vont bientôt venir me chercher. Mes larmes coulent, enfin. Comment pourrais-je continuer à vivre alors que c’est la seule personne qui a toujours été là pour moi? Je ne comprends pas ce qui m’arrive. J’entends une voix m’appeler au loin. Je regarde la pièce, mais je ne vois que ma mère. J’ai mal à la tête et j’ai l’impression de perdre conscience petit à petit. Une étrange sensation de tomber dans un précipice vertigineux m'envahit… Je peux encore sentir la froideur de sa main dans la mienne. Je suis donc toujours là. Non ! Je ne sais plus… Cette voix me rappelle encore et j’arrive à présent à l’identifier correctement. Mel… Oui, c’est bien Mel. Ma meilleure amie m’appelle, mais je n’arrive pas à la voir. C’est le chaos dans mon crâne. Je ne parviens plus à apercevoir quoi que ce soit. Les murs blancs de la chambre d’hôpital viennent de disparaître comme par enchantement. L’odeur incommodante de l’antiseptique s’est évaporée. — Logane ! Réveille-toi, bon sang! Soudain, j’ouvre les yeux. Je remarque Mel qui se tient à mes côtés, les mains sur les hanches, l'air exaspéré. Je regarde autour de moi et constate que je me suis endormie sur le canapé. Ce n’est pas vrai ! J’ai encore fait cet horrible cauchemar… — Logane! Je t’ai demandé d’être prête pour 19 heures! — Quelle heure est-il? — 19 heures 30! Je fronce les sourcils, tentant de me rappeler les raisons pour lesquelles je devais être présentable à cette heure-là. Exaspérée, elle pousse un soupir et me considère d’un air las. — Tu as oublié ?! — Euh… non. Oui, avoué-je en grimaçant. — Billy. Tess. Fiançailles! — Oh et merde! Je retombe contre le dossier du sofa et prends mon visage entre mes mains. Je n’ai vraiment pas envie de subir cette soirée, de voir ces gens crier leur amour à tue-tête. Je n’en ai vraiment pas besoin, pas maintenant. Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche pour annoncer mes intentions de rester ici que Mel me devance – comme si elle pouvait lire en moi : — Allez, Logane ! Il est temps que tu sortes, que tu voies du monde, que tu t’amuses… — Je suis désolée, je n’ai vraiment pas besoin de ça en ce moment ! Tu n’as qu’à y aller, toi… — Tu sais très bien que je n’irai pas sans toi. Il faut que tu continues… — C’est ce que je fais, non ? Je vais au travail tous les jours, je mange, je parle… — Tu ne souris plus, lâche Mel d’un ton grave. Sa voix me fait de la peine. Je remarque qu’elle souffre de mon silence, mais que puis-je faire d’autre pour l’apaiser ? À vrai dire, depuis que ma mère m’a quittée, je suis toujours en colère. Je fais des crises, m'emporte pour un rien. Mes amies m’ont pratiquement exclue de leurs vies, car je suis devenue insupportable à leurs yeux. Mais Mel est présente, toujours là. — Je t’aime, ma Mel, tu sais… — Je sais, répond-elle en esquissant un faible sourire. — Mon frère m’a encore appelée au bureau, ce matin. — Il veut toujours que tu ailles vivre chez lui ? — Non. Il veut que j’emménage dans la maison qu'il vient de m'acheter sans mon consentement, bien sûr, et de plus, elle se situe près de chez lui. — Tu devrais accepter, Logane. Ton père était si triste la dernière fois quand tu l’as envoyé promener ! — Alors là, non ! Ne le plains pas, s’il te plaît ! Il n’a jamais été là quand il le fallait. Il nous a abandonnées avec maman, car il avait déjà sa petite famille ! Tu es la seule personne qui est au courant… De ce qui s’est passé dans ma vie… Tu es la seule à savoir pour mon frère, et… — Je sais, excuse-moi. Mais là, il s’agit de ton frère justement et il t’aime plus que tout. Tu n’as plus que lui, Logane… Je pousse un soupir d’exaspération. Je n’aime vraiment pas la tournure que prend cette conversation. Je me lève brusquement et arpente mon salon, lançant des regards vifs vers ma meilleure amie. Elle a raison, je n’ai plus que lui, mais quitter cette vie, cette maison, c'est trop dur. Comment abandonner tout ça ? Comment partir si loin de ce qui fait ma vie depuis toujours ? Tout ce qu’il me reste, c'est cette maison et les souvenirs que nous avons partagés avec ma mère… — Écoute, Logane… C’est toi qui parlais de changer d’air. Tu viens même de quitter ton travail aujourd’hui. Ta dernière journée est terminée, alors fonce ! — Je sais, mais… — Tu auras plus de chance de faire ce que tu aimes en Amérique qu’ici, Log. Tu m’as dit que ton frère voulait que tu sois près de lui… qu’il voulait que tu l’aides dans son travail, et tu as beaucoup de talent, ma belle ! — Je n’en sais rien… — Je sais que c’est une décision très difficile à prendre, mais… je pense que Gabriela aurait été d’accord. Au murmure de son prénom, je ferme les paupières. Elle a raison. Ma mère aurait voulu que je parte vivre auprès de mon frère et de mon père. Mais comment avait-elle fait pour ne pas lui en tenir rigueur alors qu’il nous a si lâchement abandonnées ? Je sais qu’ils s’aimaient éperdument, qu’il était le plus grand amour de sa vie, le seul... l’unique comme elle le disait toujours. Je souris à ce souvenir, me remémorant cette phrase si banale qu’elle me sortait toujours quand je parlais de lui. — Je vais répondre ! Je sors de mes pensées et fixe le téléphone. Mel vient de décrocher, réduisant au silence cette sonnerie stridente qui vient d’envahir la maison. Je profite de cet appel pour quitter la pièce et me réfugie dans le jardin. Je respire l’air frais à pleins poumons et attrape mon paquet de cigarettes qui est toujours posé sur le rebord de la fenêtre. Je soupire de soulagement à ma première bouffée. Je m’installe sur la chaise longue et regarde les étoiles brillantes dans le ciel assombri au-dessus de moi. Fumant tranquillement, j’imagine que la plus petite des étoiles se trouve être ma mère. Elle vient de rejoindre ses parents qu’elle n’a pas vus depuis si longtemps. J’imagine qu’ils doivent faire la fête là-haut, alors que ceux qui restent sur Terre sont complètement bouleversés. Je secoue négligemment la tête afin d’effacer les pensées stupides de mon crâne. Moi et mon imagination! Ma mère disait toujours que je rêvais trop, que je pensais trop… je souriais chaque fois qu’elle me répétait cela et je répliquais toujours que cela devait être dans les gènes. Cependant, je sais que Mel a raison. Il est temps pour moi de prendre ma vie en main et de tout faire pour rattraper le temps qu’on nous a volés, à mon frère et moi. Ça fait un mois et demi qu’il m’appelle tous les jours ou presque. Il demande de mes nouvelles et n’hésite pas à me rappeler que je devrais venir vivre auprès de lui. Depuis le départ de ma mère, en fait. Cela fera bientôt deux mois… Il faut que je réagisse! J’écrase mon mégot dans l’herbe et recrache lentement la fumée, essayant de faire des cercles. Peine perdue, je n’ai jamais réussi à faire comme lui. Je suis surprise de ressentir ce que j’éprouve à cette pensée. Je n’ai pas été très gentille avec papa à l’enterrement. Mais comment pouvait-il me demander de le suivre ainsi? Il n’aurait pas dû. Il aurait dû rester dans son coin au lieu de vouloir jouer son rôle de père durant les funérailles. Je réfléchis encore un instant, fixant toujours le ciel comme si j’attendais une réponse. Pourtant, ce n’était pas si compliqué de prendre une décision. Enfin, si… tout de même, me dis-je en pestant. Au moins, je sais que j’aurai tout l’amour dont j’ai besoin auprès de mon frère. Même si je l’ai toujours jalousé d'avoir la présence de notre père à son côté. C’est mon grand frère, et il est très protecteur par-dessus le marché! Je me souviens du jour où je l’ai appelé alors qu’il faisait nuit. Il avait grogné au téléphone, mais dès qu’il avait entendu ma voix, j'avais pu deviner son sourire. Bien sûr, ce jour-là, il ne l’avait pas gardé très longtemps. Je lui avais annoncé l’état pitoyable dans lequel Curtis m’avait mise… Mon frère avait pris le premier avion pour venir me voir. Il avait désiré trouver mon ex-fiancé pour le démolir, mais bien sûr, il l’aurait reconnu… et cela, je ne le voulais pas. Et mon père, comment avait-il pu me demander de tout quitter, ce jour-là? Je repense à ce moment où je l’avais aperçu alors que je venais d’enterrer ma mère. Malgré mes protestations, il n’en avait fait qu’à sa tête et avait assisté aux funérailles. Je sais très bien qu’il l’aimait plus que tout, enfin… c’était ce qu’il disait! Je ne pouvais concevoir d'aimer une personne et rester loin d’elle comme il l’avait fait durant toutes ces années. Pff… je suis vraiment idiote! Je connais très bien les raisons pour lesquelles il restait avec sa femme et mon frère. Il a une certaine notoriété dans son travail et il est très à cheval sur les convictions du mariage. J’enrage malgré tout! Si ses convictions étaient vraiment sincères et importantes à ses yeux, alors pourquoi avait-il trompé son épouse avec une femme sans fortune? La notoriété, les stars, les paillettes! Une vie que je déteste depuis le jour où ma mère m’avait tout raconté au sujet de mon père. La célébrité passait toujours avant la vie de famille et les problèmes que cela comportait. Seule, son image d’époux fidèle et dévoué devait faire table rase de son amour pour ma mère… et pour moi : l’enfant cachée. Depuis ma naissance il met de l’argent chaque mois sur un compte bancaire à mon nom, mais je n’y ai jamais touché… Ce ne sont pas des millions de dollars qui auraient remplacé son amour ou sa présence ! Pourquoi faut-il que dans ce monde, il y ait toujours une personne qui souffre tandis qu’une autre est heureuse ? Pourquoi faut-il qu’il nous manque une seule chose, alors qu’un autre peut avoir les deux ? *** Cela fait plus de dix minutes que je suis réveillée, mais je reste sous la couette. La nuit a été très longue. La soirée des fiançailles de nos amis a été très courte pour Mel et moi. Elle avait remarqué que je n’allais vraiment pas bien et avait décidé de me raccompagner à la maison. Cette décision à prendre avait accaparé toutes mes pensées. Mel était restée avec moi une bonne partie de la nuit, tentant de me faire comprendre que je pouvais avoir une vie bien meilleure aux États-Unis. Pouvoir enfin vivre auprès d’un père qui m’avait toujours manqué, auprès d’un frère qui tenait énormément à moi. Toutes les réflexions qu’elle m’avait lancées au visage pendant notre conversation m’avaient un peu bousculé l’esprit. Dans la nuit, j’avais pris également conscience que je n’aurais pas dû agir ainsi avec mon père. Je vois encore de façon claire son visage pâlir quand je l’avais repoussé le jour des funérailles de ma mère. Il avait pleuré cette disparition, mais je ressentais tellement de chagrin de l’avoir perdue, moi aussi, que j'autorisais uniquement ma souffrance. C’était peut-être égoïste de ma part, je ne sais pas, mais pendant cette douloureuse épreuve, je pensais vraiment que moi seule étais en droit de la pleurer. Aujourd’hui, je regrette amèrement toutes les paroles repoussantes que je lui ai dites. Il faudrait peut-être que je l’appelle pour m’excuser, me dis-je en fixant mon portable. J’hésite encore quelques secondes puis décide de sortir du lit. En passant un peignoir, j’attrape le téléphone et m’installe confortablement dans le fauteuil, près de mon bureau. Bon, il est temps d’agir un peu, Logane ! Je compose alors le numéro de téléphone de mon père et prends une profonde respiration. Je ne suis pas très à l’aise, j’ai peur d’être déçue à nouveau, il doit m’en vouloir. — Allô ? — Papa… C’est Logane… — Ma chérie… Je ferme les yeux un instant à la douceur de sa voix. Mon cœur s’emplit d’une émotion que je tente de refouler malgré moi. — Logane ? — Euh, oui… je suis là, papa. — Tu vas bien ? — Oui, ça va. Et toi ? — Très bien. J’avoue que je suis un peu surpris que tu m’appelles. Tu es certaine que tout va bien ? — Oui. Je vais très bien. Je t’appelle simplement pour te… je te demande pardon pour toutes les méchancetés… — Non, ma puce. Tu n’as pas besoin de t’excuser. Je sais que tu as beaucoup souffert de mon absence, mais je t’ai toujours aimée, ma petite fille… Vous avoir laissé ta mère et toi a été la plus grosse erreur de toute ma vie. J’espère qu’un jour tu pourras pardonner à ton vieux père. Je m’aperçois que mes larmes se sont mises à couler le long de mes joues. Il ne m’avait jamais dit qu’il m’aimait de cette façon. Il n’avait jamais montré qu’il regrettait cet abandon. Je suis perdue… Je ne sais plus quoi penser... Depuis des années, je m'efforce de rester sous une carapace que je me suis forgée pour résister aux sentiments que j'éprouve pour lui. D’ailleurs, ma mère n’avait jamais abandonné l’espoir que je lui pardonne un jour. — Écoute, Logane… — Je m’excuse, papa. J’ai réfléchi à la proposition de Paul et je pense que ce serait bien… enfin, si tu es toujours d’accord… — Tu vas venir ! s’exclame-t-il joyeusement. Je souris en secouant légèrement la tête, face à cette gaieté qu’il manifeste. — Oui, papa. Je crois que oui. — Non, non. Tu ne dois pas seulement le croire, Logane. Tu dois le vouloir alors, c'est ce que tu veux ? Vraiment ? Un silence s’installe entre nous pendant quelques secondes. Un petit laps de temps que je prends pour inspirer de sorte à me donner la force de lui répondre sincèrement. — Oui… je le veux vraiment… — J’en suis très heureux, ma fille ! Quand je vais dire à Paul que tu viens vivre avec nous, il sera… — Non, je… Je préfère que tu ne lui dises pas maintenant, s’il te plaît. Tu sais… Il a été présent quand j’en avais besoin et j’aimerais lui faire la surprise. — Tu as raison, c’est une excellente idée, Logane. Mais dis-moi ? Je sais que tu désires que personne ne sache qui est en réalité ton frère… — J’ai suivi le cours des choses, papa… — Oui, c’est vrai et tout est de ma faute. J’en suis désolé. Mais tout ça, c’est du passé… Je suis seul à présent et je me fiche de savoir ce que peuvent penser les gens ! — On verra quand je serai arrivée, mais… avec sa célébrité soudaine, je n’ai pasenvie qu’on dise qu’il m’a proposé de travailler avec lui, car je suis sa sœur et non pour ce que je peux lui apporter professionnellement parlant. — Logane, ton frère sait que tu as du talent et des capacités pour travailler pour lui ! Il m’a parlé du livre que tu as écrit et c’est pour cette raison qu’il a décidé de te proposer de travailler sur les scénarios de la série… — Je ne sais pas si j’arriverai à être à la hauteur... surtout avec les acteurs qui… Je m’interromps, prenant conscience des mots qui viennent de franchir mes lèvres. Je peste silencieusement tandis que j’entends un ricanement au bout du fil. OK, je comprends que Paul lui a tout raconté. — Euh… Écoute, je dois te laisser. Il faut que j’aille me préparer. — Très bien. Je te réserve un vol et prépare ton arrivée, ma chérie. Je te tiens au courant. — Merci, papa, et n’oublie pas… — C’est promis, je ne lui dirai rien. Je t’aime, ma puce… J’ai du mal à déglutir et hésite à mettre fin à notre conversation. — À bientôt, papa… Je me laisse aller contre le dossier du fauteuil, poussant un long soupir de soulagement. Je ne sais pas trop comment entrevoir le déroulement de la situation entre mon père et moi, mais une petite voix me dit que tout se passera bien. Je prends encore quelques minutes pour remettre mes idées en place. Je suis soulagée de m’être excusée. C’est comme si je venais d’ôter une épine de mon pied. Comme tous les matins, j’allume mon PC et regarde mes e-mails. Je découvre avec stupeur que j’ai une dizaine de messages de Curtis. Que me veut-il encore ? Tremblante, je clique sur l’un d’eux au hasard. C’est toujours la même chose. Il me supplie de revenir vers lui. Je n’en crois pas mes yeux, il est complètement fou. Après ce qu’il m’a fait endurer, il voudrait que je rampe à ses pieds ? J’en ai assez, je ne prends pas la peine de lire les autres. Je les sélectionne et les envoie directement dans ma corbeille. Après avoir jeté un œil aux autres messages publicitaires, je ferme ma messagerie en soupirant. Je regarde mon écran et un sourire se dessine sur mes lèvres sans que je ne m’en rende compte. Il est anormal de fixer son écran de la sorte. Je lève les yeux au plafond, me disant que je devrais arrêter de m’extasier devantce corps sublime qui hante mon écran et mes rêves depuis plus de deux ans. — Tu as fini de le dévorer des yeux comme ça ! Mel… Elle m’a fait peur. Je la regarde et lui souris en remarquant qu’elle tient un plateau contenant deux tasses de café fumant. Elle le dépose sur le lit. Elle est si adorable. Je la rejoins de suite. — Tu es un ange, Mel. — Je pensais que ça te ferait plaisir d’avoir ton petit-déjeuner au lit après notre conversation de cette nuit. J’espère que tu ne m’en veux pas d’avoir été un peu trop brusque ? Ses yeux gris pétillent d’appréhension. Je plonge mon regard dans le sien et lui offre un large sourire, la rassurant aussitôt. — Bien sûr que non, Mel. À vrai dire, parler avec toi a été une très bonne chose… Tu m’as ouvert les yeux concernant mon père et... — Et ? — J’ai pris ma décision. Je l’ai appelé. — Attends une seconde ! Tu l’as appelé ce matin… — Oui et… Je m’interromps volontairement et scrute l’étonnement qui se dessine sur son visage. Elle se met à éclater de rire et me prend dans ses bras. Je ferme les paupières sous cette étreinte amicale qui me manquera énormément. Elle est tellement gentille avec moi. Je ne peux m’empêcher de verser des larmes, elle me manquera tellement. Mel et moi, c’est une grande histoire d’amitié. Nous nous sommes rencontrées il y a très longtemps. J’étais scolarisée dans une école privée, je devais avoir onze ou douze ans la première fois que je l’ai vue. Elle venait d’ailleurs de se faire expulser du cours de français, alors que je faisais mes premiers pas dans l’établissement. Je m'en souviens, comme si c’était hier. J’attendais dans le couloir, pendant que ma mère s’entretenait avec le directeur, lorsqu’elle est arrivée comme une furie, insultant le manque de respect – selon elle – qu’avait eu son professeur. J’avais été prise d’un fou rire. Après cela, nous avions conversé, tout d’abord sur les raisons de son renvoi et quelques minutes plus tard, de nos vies... Ainsi, nous étions devenues les meilleures amies du monde. Aujourd’hui, elle est bien plus que cela. Elle avait toujours su comment me réconforter quand ça n’allait pas et trouvait toujours les mots justes pour m’aider dans toutes les situations. Vers l’âge de dix-sept ans, nous avions fait ce que toutes les jeunes filles de cet âge font. Les sorties, les petits flirts sans grande importance étaient nos moments… Un jour, elle avait connu un garçon prénommé Mathias. Il était très bien et j’étais très contente pour eux. Mel avait les yeux pétillants d’amour pour lui. Seulement, leur histoire avait été très courte, car il devait suivre ses parents en Angleterre. Habituellement, Mel se montrait très courageuse et très forte, mais cette fois-là, elle avait craqué. Durant deux années, elle avait été complètement perdue, faisant les pires bêtises qu’une adolescente puisse faire. J’avais bien évidemment tenté de l’aider au mieux, mais il m’avait fallu du temps… Et maintenant, elle était devenue si belle, si professionnelle dans la vie qu’on aurait du mal à croire toutes les péripéties de son adolescence.Rousse, les cheveux courts depuis peu, ses mèches dorées dansant à présent sur son front. Je me détache de son étreinte et souris devant la moue malicieuse que ses lèvres forment. — Alors, tu as pris ta décision ? — Oui… j’attends le billet d’avion. — Ah, ma chérie, je suis tellement heureuse pour toi, me dit-elle en m’enlaçant dans ses bras. Tu mérites cette vie, Logane… et ton frère ? Il a dû être aux anges quand tu le lui as annoncé ? — Il ne le sait pas encore. J’ai demandé à mon père de ne rien lui dire. J’ai envie de lui faire la surprise. Nous éclatons de rire comme de vraies gamines, excitées toutes les deux à imaginer la tête que Paul fera quand il me verra débarquer au pays de l’Oncle Sam. — J’espère que tu réussiras, Logane. Je suis certaine que tu feras fureur pour la série… — Oh, je n’y ai pas encore pensé… justement, ça me fait un peu peur… — Eh, tu sais très bien que tu y arriveras. En plus, tu es une fan inconditionnelle de cette série télé ! Tu as toujours ton mot à dire quand un épisode se termine… — C’est totalement différent ! — Bon, si tu le dis… mais je peux te demander une faveur ? — Bien sûr, tout ce que tu voudras… — Tout ce que je veux ? demande-t-elle en haussant un sourcil malicieux… *** Alors que nous venons de finir notre petit-déjeuner, je sens le regard insistant de Mel qui pèse sur moi. — Qu’est-ce qu’il y a ? demandé-je d’une voix inquiète à la vue de son visage tendu. — Oh rien… — Je t’ai dit oui pour l’autographe… — Ce n’est pas ça, Logane. — Tu m’inquiètes vraiment. Qu’est-ce qui ne va pas ? — Mais je vais bien, je t’assure, répond-elle en souriant légèrement. — Si tu penses à l’endroit où tu vas vivre, alors je t’arrête tout de suite ! Faisant de grands yeux ronds, elle me regarde, étonnée que je fasse bien allusion à ses pensées. — Tu sais, je n’ai pas envie de vendre la maison et, le temps que je serai partie, j’aimerais que tu restes ici. — Tu en es… — C’est certain, Mel ! la coupé-je en souriant. Nous vivons ensemble depuis plus de trois ans, ne l’oublie pas. Tu es ici chez toi. Elle ne dit rien et fronce les sourcils. Elle aurait dû savoir que je ne lui demanderais jamais de partir comme ça. Mel était venue vivre avec ma mère et moi pour nous aider, quand maman avait eu besoin d’une surveillance constante, lorsque son état s’était aggravé. Étant aide-soignante dans un hôpital de la ville, mon amie avait accepté de venir prendre soin d’elle et quand, peu à peu, sa santé s’était détériorée, Mel avait fini par accepter de venir vivre avec nous. — Merci beaucoup, ma Logane, murmure-t-elle en claquant ses lèvres sur ma joue. — De rien... Bon, il faut que je prépare mes valises, aujourd’hui. — Je vais te donner un coup de main. Que feras-tu de ça ? Je tourne les yeux vers la direction qu’elle montre de sa main. — Mon ordi ? — Oui. Mais je te parle de tout le travail que tu as fait pour un certain acteur. Un grognement sourd s’échappe de mes lèvres devant son air railleur. — J’ai tout prévu, ne t’inquiète pas pour ça. — Tu vas abandonner le forum ? s’exclame-t-elle, choquée. — Il est entre de très bonnes mains, tu sais. J’ai demandé à une des modératrices d’en devenir l’administratrice. Et ça fait un moment que je ne me suis plus intéressée au forum et à SON actualité. — Tu vas me faire croire ça ? rétorque-t-elle en éclatant de rire. — Je n’ai plus assez de temps ! me défends-je. — Mais… ne me dis pas que tu as dit à tes membres que tu partais là-bas ! — Bien sûr que non ! Je n’ose même pas imaginer ce qu’elles pourraient dire si elles savaient que je leur ai caché le lien qui me lie au réalisateur de la série qui fait fureur ! Tu imagines… je serais harcelée pour savoir ce qu’il se passerait dans les prochains épisodes… — Et sur Michael ! Je sens mes joues rougir à ce prénom si doux et si chaud à mes oreilles. Je baisse la tête vers mon écran et regarde les yeux bleu vert qui me fixent. C’est vrai que cet acteur est une vraie bénédiction pour toutes les femmes, quoique… sur ce que je sais de lui depuis un mois environ, beaucoup de fans seraient bien attristées… Le ricanement de Mel me fait revenir sur Terre. — Michael est un acteur qui joue dans cette série, oui… et alors ? — Mais... Qu’as-tu appris sur lui pour que… — Rien de grave, la coupé-je avant de soupirer de résignation. Paul m’a seulement dit qu’il en avait assez que toutes les fans hystériques lui tournent autour. Il y a environ deux mois, il a pété un câble dans le bureau de mon frère. Ils se sont disputés et, à priori, Paul a été blessé par la façon dont il a parlé de ces femmes qui sont prêtes à tout quitter pour se jeter dans ses bras. Mais bon, il est célèbre et je peux comprendre qu’il doive en avoir marre. — Mais tu as été déçue toi aussi… Je pousse un gémissement d’agacement. Comment fait-elle pour toujours savoir ce que je ressens ? — Oui, en effet, j’ai été déçue, mais tu sais, je suis réaliste, Mel. Je ne m’attends pas du tout à ce qu’il me remarque. — Oh, attends une minute ! Tu es la sœur de son patron si je puis dire ! Tu vas certainement le rencontrer très souvent, de plus si tu bosses avec… — Ce n’est pas encore sûr. Je veux bien donner mes idées à Paul, mais pour ce qui est de parler avec les acteurs… — Ne dis pas de sottise ! En tout cas, j’espère que tu me diras tout ! — Je n’ai jamais eu de secrets pour toi, ma petite Mel… Je peux savoir ce qui te fait rire ? — Oh, je ne me moque pas. Imagine un peu que Paul lui dise que tu lui as consacré un forum et… — Non ! la coupé-je immédiatement. Il ne ferait jamais ça… il croit que je l’ai supprimé depuis plus d’un an… et j’ai confiance en mon frère. — Si tu le dis ! En tout cas, je te souhaite tout le bonheur du monde, Logane. Je la remercie d’un doux sourire et nous commençons à préparer mes bagages. Au bout d’une heure, la sonnerie du téléphone interrompt de suite mon geste. Je soupire d’exaspération et décroche. — Comment va ma sœur préférée ? Mon visage s’illumine aussitôt en entendant la voix de Paul. Mel me sourit et sort de la chambre, me laissant ainsi un peu d’intimité. — Paul, ça me fait plaisir de t’entendre… Il rit tandis que je m’écroule sur le lit. — Je suis très heureux de t'entendre aussi, ma puce. Dis-moi, comment tu vas ? — Je vais très bien. Et toi ? — Tout va bien ici. Emma est partie en Australie pour une quinzaine de jours. — Son père a encore des problèmes de santé ? — Oui, souffle-t-il d’un air las. Mais bon, les médecins préfèrent qu’une personne veille sur lui tant qu’il ne s’est pas encore adapté au nouveau traitement. — Je suppose qu’elle doit beaucoup te manquer… — Bien sûr. Elle me manque déjà. Mais, je n’ai pas le temps de penser à elle chaque seconde, on a eu quelques petits problèmes pendant le tournage. — Grave ? — Rien qui ne puisse s’arranger. Mais nous devons revoir les scripts du prochain épisode. À ce propos, as-tu réfléchi à ma proposition ? Je ne peux m’empêcher d’émettre un soupir d’exaspération. Je dois jouer le jeu si je veux que la surprise soit réussie. Mais là, que lui dire ? Paul lit en moi comme dans un livre ouvert et il m’a toujours dit qu’il savait quand je disais la vérité ou non. Cette fois, je dois faire comme si de rien n’était. — Je n’ai pas encore pris ma décision, Paul… Et j’avoue que je ne tiens pas trop à être entourée par tout ce show-business. — Qu’est-ce que tu racontes, ma petite Lolo ? — Arrête un peu de m’appeler comme ça, je ne suis plus une gamine ! me renfrogné-je en roulant des yeux. — Tu seras toujours ma petite Lolo… ma petite sœur. Écoute-moi… je ne comprends pas que tu sois aussi réticente à venir ici. Si ça peut te rassurer, je ferai tout pour éviter que ces personnes t’approchent… — Tu sais aussi bien que moi que ce ne serait pas possible. Tous les paparazzis te mitraillent partout où tu vas. Tu es invité dans les cérémonies et les soirées V.I.P et je vois bien que ça te plaît de figurer sur les photos des journaux ou magazines ! — Quoi ? Me faire prendre en photo ? — Non. Mais toutes ces fêtes et… — Logane, arrête ! Tu devrais savoir que depuis toujours… — Je sais, Paul… excuse-moi. Mais ça me fait peur tout ça. — Tu ne crains rien. Je serai toujours près de toi. Et ça, c’est une bonne raison pour que tu viennes vivre ici, non ? — La meilleure, oui, avoué-je en grimaçant. — Tu me promets de prendre une décision rapidement ? Il est vraiment tenace, mais je dois bien réaliser que c’est un caractère de famille. Je sais qu’il est impatient de savoir si je finirai par accepter, et je peux même imaginer ses traits tirés par l’irrésistible envie de m’entendre dire oui. Mais je lui réserve une surprise, et je ne veux rien gâcher. J’ai trop hâte de voir la tête qu’il va faire ! Oh, il m’en voudra certainement de l’avoir laissé mijoter pendant tout ce temps, mais je prends un malin plaisir à le lui cacher. — Eh, tu es toujours là ? — Euh, oui. Écoute, Paul, je te le dirai tout de suite quand j’aurai pris ma décision, d’accord. Il pousse un long soupir. — Très bien… Bon, je dois te laisser, ma puce. — OK. À bientôt ! Et j’espère que tu régleras vite tes petits soucis. — Oui, mais ça devrait aller, ne t’inquiète pas. Tu sais bien que je m’en tire toujours. J’ai hâte de te revoir, ma Lolo, je t’adore… Je n’ai pas le temps de lui dire quoi que ce soit qu’il raccroche. Perplexe, je me lève et repose le téléphone sur son socle. Mon regard est attiré malgré moi vers l’image qui est toujours sur l'écran de l’ordinateur. Je suis complètement cinglée et vraiment trop rêveuse ! Je peste toute seule et d’un geste vif, j’arrête mon PC comme s’il venait de me brûler. C’est étrange cette sensation que j’éprouve chaque fois que je pose les yeux sur lui. Au début, je me disais que c’était certainement ma crise d’ado qui n’était pas encore passée, mais en allant sur les sites qui lui étaient consacrés, cette idée s’était échappée de mon esprit aussi vite qu’elle y était venue. Effectivement, je n’étais pas la seule femme de plus de vingt-cinq ans à être tombée sous son charme. Michael Roller dégageait quelque chose de mystérieux qui était incroyablement attirant. C’est d’ailleurs assez déstabilisant pour ne pas dire frustrant, d’essayer de découvrir ce petit côté qu’il aime d'ailleurs cacher au grand public. Bon, je sais que j’aurais pu en apprendre plus sur lui en questionnant simplement mon frère, mais je ne voulais pas qu’il sache que j’étais complètement tombée sous le charme du héros de sa série. Je me serais sentie si ridicule en l’imaginant bien éclater de rire à la moindre occasion pour me charrier. Pourtant un jour, sans le vouloir, Paul m’avait donné une information qui était néanmoins très intéressante. Il faut dire que le jour où il m’avait appelée, il n’avait pas le moral. Il s’était confié à moi et j’en étais très touchée d’ailleurs. En fait, ce n’était pas Paul qui avait des problèmes, mais son acteur. Des rumeurs sur sa sexualité allaient bon train, le disant un jour avec une femme, le lendemain avec un homme. Michael n’en pouvait plus moralement d’être toujours questionné ainsi sur sa vie privée, et ce, malgré le démenti qu’il avait officialisé et confirmé auparavant. Paul lui en avait touché deux mots, car il n’était plus aussi concentré sur le tournage, et cela posait problème pour lui. Mon frère est si attentionné envers ses acteurs qu’il tente toujours d’arranger les soucis des uns et des autres afin qu’ils disposent de toute leur énergie sur le tournage. Je souris en repensant que je lui avais dit que tout était possible. Que n’avais-je pas dit là ?! Michael ? Homo ? Non, mais tu es malade ! Je connais Mike et je peux te dire que le sexe opposé l’attire ! m’avait-il répondu en s’exclamant d’une voix sérieuse. Le soulagement était monté en moi à sa réplique, mais je devais garder cela… même si je rage quand je constate que certaines filles ont tendance à croire les potins. — Logane ? Je te dérange ? J’esquisse un large sourire à l’adresse de mon amie qui se tient sur le pas de la porte. — Non… entre. — Tu as laissé ton portable en bas, tu as reçu un message. Je hausse un sourcil interrogateur et attrape le téléphone qu’elle me tend. Je regarde sur l’écran et constate que c’est Curtis ! — Ce n’est pas vrai… Je n’ai pas envie de l’entendre, de le rappeler ou de savoir quoi que ce soit de lui. Il est allé trop loin… — C’est encore lui ? me demande Mel d’une voix inquiète. — Oui. Ça fait plus de trois mois que tout est fini et il n’y a pas une seule journée où il n’essaie pas de me contacter. Il commence sérieusement à me gonfler ! Elle se met à rire, mais c'est nerveux. Je le sais. — Raison de plus pour que tu quittes le pays. — Oui. Et le plus vite possible sera le mieux, j’ai l’impression, lancé-je dans un murmure. — Que veux-tu dire ? Il t’a encore menacée ? Je ne réponds pas et lui tends mon portable afin qu’elle lise le message elle-même. Bon, vu son visage qui pâlit d’inquiétude manifeste, elle n’a pas l'air d'apprécier ce texto également. — Non… mais attends ! Il est fou allié ! Tu devrais prévenir la police une bonne fois pour toutes ! Tu as bien compris ce qu’il veut dire par là ? Tu as l’air de ne pas t’en faire, toi ! crie-t-elle, effrayée. — Je pars vivre à des kilomètres d’ici très bientôt, Mel. Ne t’inquiète pas, tu veux ? Elle lève les yeux au plafond et secoue la tête. — Ne pas m’inquiéter ! Tu réalises qu’il te fait une menace de mort là ? — Je ne pense pas qu’il agira de la sorte, Mel. Il veut juste me faire peur pour me voir ramper à ses pieds, et je ne me laisserai plus avoir, je peux te l’assurer… CHAPITRE UN
Si j’avais pu imaginer un instant que j’allais toucher le fond si rapidement, jamais je n’aurais accepté de bosser pour Alvaro. Ce con a beau être un amant exceptionnel – quand il le veut bien –, c’est aussi le roi des loosers ! Comment j’ai pu m’embarquer là-dedans ? Je peste intérieurement à la douleur qui me lancine tout le côté gauche. Ma chute a été des plus spectaculaire. Je viens de m’étaler comme une crêpe sur le bitume brûlant en sautant de la toiture du petit resto miteux où une odeur à nous retourner l’estomac se propage dans le quartier malfamé de Cadix, ville portuaire historique située sur une étroite bande de terre entourée par la mer en Andalousie, au sud-ouest de l’Espagne. Ma position est inconfortable, mais je n’ai d’autre choix que de rester prostrée derrière les poubelles du El Diablo, le temps que les flics déguerpissent. Du coin de l’œil, je regarde discrètement sur la droite et esquisse un sourire de satisfaction. Alvaro est déjà loin, les deux agents qui lui courent après ne l’attraperont pas aujourd’hui. Par prudence, je reste encore un peu derrière ma cachette et essaie de me relever. Ce n’est pas aisé et un tas de noms d’oiseaux m’échappent quand j’y parviens enfin. Je pose la main sur mes côtes douloureuses, espérant qu’en exerçant une pression suffisante, cela apaise la brûlure. J’ignore si je me suis cassé un os, mais je ne prends pas le risque de regarder maintenant. Je ne dois pas rester dans cet endroit plus longtemps. Si les flics reviennent et me découvrent ici avec le sac rempli de cocaïne et marijuana que j’étais censée vendre avec Alvaro à un gros dealer du cartel de Cadix, je serai bonne pour passer des années en prison. Surtout que la Guarda ne rigole pas en ce moment. La semaine dernière, l’un d’eux a perdu la vie en confrontant une bande du cartel dont Alvaro fait partie. Pour ma part, ça ne fait que trois jours que je bosse officiellement en binôme avec lui, mais je ne m’attendais pas à un tel danger. De toute façon, je n’avais pas le choix. Qu’aurais-je bien pu faire d’autre ? J’ai rencontré Alvaro trois mois plus tôt. Il m’a aidée à m’en sortir du quartier pauvre où je vivais dans une chambre déplorable que je peinais à payer. À part voler et vendre ce qui ne m’appartient pas, je ne sais rien faire d’autre. Mais avec Alvaro, j’arrive mieux à m’en sortir. Je peux à présent pouvoir me payer de quoi manger. Il m’a accueillie chez lui à bras ouverts, mais je sais aujourd’hui que c’était uniquement parce qu’il attendait de moi que je l’aide à trouver de nouveaux dealers pour les fournir. Le Boss, dont nous ignorons tous le prénom, l’a obligé à plusieurs reprises à faire proliférer le marché nébuleux dont il s’occupe, sans quoi, il lui couperait les bijoux de famille. Je soupçonne donc Alvaro de profiter de moi – d’un visage inconnu dans le milieu – pour attirer de nouveaux clients pour son putain de business. Cependant, il a omis de me dire qu’il se tirerait sans état d’âme si les choses se corsaient en « mission ». Comme aujourd’hui… Il n’a pas hésité à fuir sans se retourner alors que je me planquais derrière ces putains de poubelles qui empestent. L’enfoiré… — Putain de bordel de merde ! grogné-je, me promettant intérieurement de buter mon petit ami. Je m’extirpe enfin de ma cachette et prends le chemin qui se trouve derrière les cuisines du restaurant. Quelques minutes plus tard, je débouche sur la grande rue, la Calle Mirador. J’éponge la pellicule de sueur de mon front tout en tentant de marcher normalement sous les yeux des habitants qui semblent ne pas me voir. Alléluia ! Bientôt, j’aperçois le clocher de l’église Santa Maria. Je soupire de soulagement et m’efforce de faire quelques pas supplémentaires sans me maintenir les côtes – cassées, sans doute – avant de m’arrêter derrière le lieu saint pour grogner de douleur. Je suis seule et me permets alors de soulever mon débardeur pour vérifier l’ampleur de mes blessures. Mon flanc gauche est enflé et rougi et, juste en effleurant ma peau meurtrie, une douleur insupportable se propage dans tout mon être. Je crie un peu et essaie de respirer convenablement, mais je souffre beaucoup. J’ai besoin de m’asseoir sur le muret qui entoure une porte de la paroisse, afin de reprendre mes esprits. J’ignore combien de temps je reste là à tenter de retrouver mon souffle et un rythme cardiaque plus régulier, mais je suis rassurée de ne voir âme qui vive aux alentours. Je n’ai plus que quelques mètres à effectuer avant de déboucher sur l’immeuble où je vis avec Alvaro et trois autres gars du gang. Je ne les apprécie pas vraiment, à part peut-être le plus jeune, Diego. Il a mon âge, tout juste la vingtaine, et s’est retrouvé à faire partie du gang quand son frère aîné est mort, six mois plus tôt. D’ailleurs, le mystère de son décès reste une énigme, mais Diego est convaincu qu’il s’est fait tuer pendant une confrontation avec les Maras. Lui aussi faisait partie des Latin Kings – tout comme nous. Diego est gentil et serviable, mais il est ici pour venger la mort de son frère et je trouve cela dangereux pour lui, comme pour nous tous. Il serait capable de faire passer son désir avant celui de notre bande. J’en ai déjà touché un mot à Alvaro, mais il m’a certifié que Diego sait ce qu’il fait, tout comme lui. Contrairement à Diego, Félix et Lorenzo sont tous deux des anciens. Ils sont là depuis le début de l’arrivée des Latin Kings en Espagne. Ce gang a débarqué d’Amérique latine dans les années 90. C’est une dangereuse et violente organisation criminelle et ces deux énergumènes la représentent merveilleusement bien. Ils font peur. C’est certain. Ils possèdent tous les deux la même coupe de cheveux, ras sur le crâne, tout comme les chefs d’un commando spécial, mais ici, c’est mon petit ami qui donne les ordres. Alvaro est beau. Il est grand, musclé. Ses cheveux longs, noir de jais, coiffés en queue de cheval, lui confèrent un style bien à lui. Lorenzo et Félix sont plus petits, mais ce sont deux tas de gros muscles super impressionnants. À côté d’eux, je me sens ridicule et si fragile. D’ailleurs, quand je pénètre enfin dans l’appartement que nous occupons secrètement grâce au propriétaire des lieux, je trouve Lorenzo devant l’énorme table où sont disposés des bières, des plans dont j’ignore tout et des chips. — Qu’est-ce qui t’est arrivé, toi ? me demande-t-il alors que je vais m’effondrer dans le fauteuil. — Où est Alvaro ? Je lui retourne une question qui le fait grogner de mécontentement. Cependant, il répond : — Dans sa piaule. Au fond, je suis soulagée qu’il soit rentré sain et sauf, mais je suis toujours furieuse contre ce salaud qui m’a laissée en plan ! Félix et Diego sortent de la cuisine à cet instant et nous rejoignent au salon. — Eh, Bella ! Qu’est-ce qui t’est arrivé ? Je roule des yeux au surnom que Diego m’a donné le jour de notre rencontre – à mon arrivée dans l’appartement. — Je me suis vautrée en sautant du toit. — Rien de cassé ? s’inquiète-t-il. — J’en sais rien… — Appelle le Doc ! aboie soudain la voix d’Alvaro. Je tourne la tête et croise son regard noir de colère. C’est l’hôpital qui se fout de la charité ! C’est moi qui suis en colère, pas lui ! — T’étais où, bordel ? beugle-t-il en approchant vers moi. — Où j’étais ! hurlé-je, furibonde. Tu m’as laissée en plan, putain ! T’es qu’un sale enfoiré ! Il arque un sourcil provocant et se baisse à ma hauteur en posant ses paumes sur mes genoux. Je les dégage dans un geste rapide de colère, mais il n’en a rien à foutre. Vivement, il me chope les poignets et plante un regard assassin dans le mien. — Je suis revenu, merde ! T’avais disparu, Adri ! Je serre les dents. Il est revenu… Remarquant ma surprise, il peste dans sa barbe quelques mots que je ne comprends pas et se relève d’un bond avant de se tourner vers Diego. — Appelle le Doc, je t’ai dit ! Diego hoche la tête et s’éclipse d’un pas vif de la pièce tandis que je grimace de douleur en me levant du fauteuil. — Putain… Viens, il faut t’allonger. Je le laisse me soulever en serrant les poings pour ne pas le cogner. Il n’est pas tendre et ça me fait un mal de chien de me retrouver dans ses bras alors qu’il m’emporte dans la chambre sous les yeux amusés des deux autres imbéciles. Je déplie les doigts et dirige mon index dans leur direction tout en les foudroyant du regard. Ils ne semblent même pas choqués par mon insulte silencieuse. Bande de connards ! Une fois seuls dans la chambre, Alvaro m’installe au milieu du lit et s’assoit à mon côté en posant une main sur ma joue. — Tu es brûlante… — Je te rappelle qu’il fait plus de 43 degrés dehors et j’ai dû courir, enfin, marcher le plus vite possible pour me mettre à l’abri. — Les flics t’ont vue ? — Non. Je ne crois pas, dis-je en secouant la tête afin qu’il cesse de me caresser le visage. Non pas que je n’aime pas le contact physique entre nous, mais ce n’est pas le moment. J’ai mal et j’ai grand besoin qu’on me soulage. — Montre-moi, lâche-t-il en soulevant mon haut. Je ne regarde pas. Je me contente d’observer sa réaction. Il grimace de compassion et cela m’irrite. — Comment se fait-il que les flics se soient pointés au El Diablo ? Tu m’as dit que ce n’était pas risqué ! Le ton de reproche dans ma voix l’assomme quelque peu. Il ancre son regard dans le mien et fronce les sourcils avant de serrer les mâchoires. — Julian devait te donner le fric et se tirer aussitôt à 16 heures pétantes, bordel ! Il n’est jamais venu, mais les flics, eux, étaient au rendez-vous. — Tu insinues que Julian nous a donnés. — J’en sais rien, mais avoue que c’est étrange… — C’est juste une coïncidence. Ça peut arriver. — Et que tu te tires sans ton binôme, c’est une coïncidence aussi ? Cette fois, il ne cache pas sa colère et m’attrape le bas du visage entre ses doigts. — Je suis revenu. Je ne me démonte pas, même si la peur a envahi tout mon être. Son regard est menaçant et je n’ai aucun doute qu’il pourrait se montrer violent si je continue de faire des allusions sur ce qui s’est passé tout à l’heure. Lui faire comprendre qu’au fond, c’est qu’un sale enfoiré de traître qui n’hésite pas à laisser les siens crever pour sauver sa peau pourrait me montrer son vrai visage. Cependant, j’ai déjà assez mal physiquement pour en rajouter une couche. Alors, je me contente d’acquiescer silencieusement en hochant la tête. — OK… Tu es revenu… J’étais sans doute encore planquée dans un coin. — C’est terminé, dit-il en relâchant son emprise sur ma mâchoire. Le Doc va te soigner. Tu iras mieux dans quelques heures. Je déglutis péniblement tout en me crispant d’appréhension alors qu’il passe les doigts sur ma blessure. — Je ne crois pas que c’est cassé, mais s’il faut aller à l’hôpital… — Je n’aurai pas besoin d’y aller, le coupé-je aussitôt en sachant pertinemment qu’il m’ordonnera de prendre les faux papiers d’identité qu’il a fait fabriquer pour moi en cas de gros pépins. — Comme tu voudras, mais ce soir, tu ne feras pas partie de la mission de la banque. — C’est ça, les plans sur la table ? — Ouais. Un contact nous a informés que le transfert s’effectuera à 23 heures. Ils sont prêts. — Tu vas y aller ? lui demandé-je. — Évidemment ! On rejoint le Boss directement dans la foulée après avoir récupéré le fourgon. — C’est… dangereux. Il rit avant de se pencher vers moi. Son visage se niche dans mon cou. Mes ongles se plantent dans ma paume au contact de ses lèvres contre ma peau. — Ça fait partie de notre job, querida . Eh merde… Son souffle caresse mon épiderme sensible et je sais qu’Alvaro devient tendre – comme à cette seconde – quand il a envie de baiser. Sauf que je ne suis pas en état. Je tente alors de le repousser gentiment, espérant qu’il ne s’en agace pas. En vain. — Je te veux, murmure-t-il en posant son front contre le mien. Sa main glisse sous la ceinture de mon pantalon. Très vite, ses doigts caressent mon intimité. — J’ai envie d’être belle et riche, mais on n’a pas tout ce qu’on veut dans la vie. Bien que j’aurais pu tout avoir… — Qu’est-ce que tu veux dire ? demande-t-il en redressant la tête. Son regard plonge dans le mien. — Je ne peux pas. J’ai trop mal. Ses doigts cessent de voyager entre mes lèvres intimes. Il esquisse un large sourire et hoche la tête. — C’est vrai qu’une pénétration te ferait souffrir davantage, mais on peut s’arranger pour que tu prennes aussi ton pied. Il ne me laisse pas le temps de réagir que sa bouche se pose sur la mienne. De sa langue, il force le barrage de mes lèvres et l’enroule sauvagement à la mienne tout en reprenant l’activité de ses doigts. Merde ! Incapable de me débattre sans risquer de souffrir de mes côtes, je le laisse faire tandis qu’il me pénètre de deux doigts sans ménagement. Je ravale un cri de douleur tandis que les sanglots s’accumulent dans ma gorge. Très vite, je me retrouve nue et allongée sur le lit, le visage d’Alvaro entre mes cuisses. CHAPITRE DEUX Alvaro et ses cunnilingus, c’est toute une histoire ! Mais il aurait pu être parfait si mes côtes ne m’avaient pas fait autant souffrir, ni ce qu’il a fait après m’avoir fait jouir avec sa bouche. Cet enfoiré était si excité que ma douleur lui importait peu. Tellement, qu’il s’est placé au-dessus de mon visage pour enfoncer sa queue entre mes lèvres, ignorant totalement mon désir de me laisser tranquille. Je n’étais vraiment pas en état de le sucer comme il l’exigeait. Pas après avoir hurlé de douleur lorsque l’orgasme m’a transportée. En vain… Il s’en fichait et a baisé ma bouche comme il l’entendait. Je n’étais plus qu’une poupée de chiffon entre ses mains, un vulgaire objet. Incapable de le repousser, j’ai subi ses allées et venues en priant intérieurement pour qu’il se vide au plus vite. Le Doc est arrivé peu après. Alvaro m’a laissée seule avec l’homme âgé d’une quarantaine d’années. Je l’avais déjà vu auparavant, une fois, le jour où Lorenzo et Diego se sont pointés sur le territoire des Maras. Lorenzo n’était pas sorti indemne de la bagarre qui avait dégénéré. Il avait reçu un coup de couteau dans le ventre et le Doc l’avait soigné dès son retour. Son diagnostic ne m’enchante guère. D’après lui, il vaudrait mieux que je me rende aux urgences pour faire une radio, il est persuadé que j’ai une côte cassée. Évidemment, Alvaro s’est opposé à cette visite à l’hôpital. Au fond, moi aussi. Je n’éprouve aucune envie de m’y rendre. De toute façon, ils ne feront rien de plus pour me soulager que ce que le Doc m’a donné. Des antidouleurs à prendre toutes les 4 heures et repos forcé ! m’a-t-il ordonné. Ce qui ne m’enchante pas, ni Alvaro et les autres, d’ailleurs. Ils comptaient visiblement sur moi pour leur plan de ce soir. Même si Alvaro ne voulait pas que je vienne, finalement, il aurait apprécié ma compagnie. C’est ce qu’il m’a dit après que le Doc a quitté l’appartement. Toutefois, je comprends que ce n’est pas mon immobilisation forcée qui les gêne pour leur mission. C’est plutôt ma présence qui demanderait visiblement beaucoup trop de soutien de leurs parts. Mon œil ! Je n’ai pas besoin d’eux et, quand j’entends les réflexions de Lorenzo et de Félix depuis ma chambre, j’ai juste envie de leur balancer à la tête tout ce qui trouve près de moi. — On va devoir se taper ta gonzesse pendant plusieurs semaines alors qu’elle ne nous servira à rien ! plastronne Lorenzo. — Ouais, et si tu penses qu’on va jouer à la nounou avec elle, je peux te dire que tu te fourres le doigt dans l’œil ! — Calmez-vous, les gars. Adri saura se démerder toute seule, comme nous tous. On n’a pas besoin d’elle pour ce soir de toute façon. — Ni les autres jours, d’ailleurs ! réplique Félix. Je serre les mâchoires pour éviter de laisser échapper les insultes qui montent dans ma gorge. Je n’entends pas ce que répond Alvaro, mais ce qu’il leur dit les amuse visiblement. Leurs rires débiles proviennent du salon. Ce qui me fiche la haine. Un petit ami n’est-il pas censé défendre sa copine ? Je dois avouer que je me sens complètement paumée, mais je suis bien trop fière pour les laisser me démonter de la sorte sans réagir. Alors, je vais à l’encontre du Doc et me lève du lit. Je mets bien plusieurs minutes à m’asseoir au bord du matelas. J’attrape mes vêtements qui sont éparpillés au sol en grimaçant de douleur. Le bandage que m’a mis le toubib autour du torse entrave ma liberté de mouvement. Alors, après quelques minutes, je suis habillée. Je prends appui sur le matelas et me lève lentement en refoulant le cri de douleur qui roule dans ma gorge. Putain de bordel ! Une fois sur mes pieds, je m’avance vers la porte et l’ouvre. Je rejoins la bande au salon et roule des yeux en découvrant qu’ils sont en train de siroter une bière bien fraîche, ce qui me donne envie d’en boire une pour apaiser cette putain de souffrance que j’endure. — Qu’est-ce que tu fous là, Adri ? grogne Alvaro en me dévisageant de bas en haut. — J’ai soif ! rétorqué-je en attrapant une bière sur la table. — Tu n’aurais pas dû te lever… — Je fais ce que je veux, Alvaro. De toute façon, je ne compte pas sur toi ni aucun de vous pour prendre soin de moi. Vous n’avez pas que ça à faire ! Il me dévisage, les mâchoires serrées, visiblement agacé que je l’envoie promener devant ses potes. — Une vraie tigresse, cette nana ! Je plonge un regard noir de colère dans celui de Félix et lui lance : — Attends de voir que ma blessure est guérie, toi ! — Oh, tu me menaces ? me demande-t-il en riant. Il approche d’un pas, mais Diego lui barre le passage. — Bon, les gars, ça se passe comment ce soir ? — T’es sourd, pequeño ? On ne va pas se répéter dix fois, bordel ! — Félix a raison, on a assez perdu de temps, si tu ne te sens pas prêt, tu n’auras qu’à rester ici et garder la tigresse ! — La tigresse vous emmerde, c’est clair ! hurlé-je, agacée de les entendre déblatérer inutilement. Alvaro sourit et me rejoint d’un pas rapide. — Calme-toi, mi querida. Ils plaisantent. Il vient de prononcer ces mots d’une voix tendre, mais je distingue parfaitement dans son regard qu’il est très mécontent de mon explosion de colère. Ses yeux me lancent des éclairs et, au fond de moi, je me terre comme une gosse effrayée. Cependant, je refuse de perdre la face devant lui et les autres. Je ne cille pas et porte le goulot de ma bière à mes lèvres avant d’en descendre une bonne gorgée. — Bon, pequeño ! s’exclame Lorenzo. Il est temps d’aller chercher le matos chez Christiano. Et dis-lui de nous prêter deux ou trois filles, j’ai besoin de me détendre avant de voler ces putains de milliers d’euros ! Je roule des yeux. Ce n’est pas la première fois que les gars font appel à des putes avant de partir en mission. Je sais aussi qu’Alvaro a eu recours à ce genre de service, mais c’était avant. Il m’a assuré qu’il n’avait pas touché d’autres filles que moi depuis que nous sommes ensemble. Pourtant, je doute de sa fidélité et les regards discrets qu’ils lancent tous les trois vers Alvaro ne me rassurent pas. — Qu’est-ce que t’attends ? aboie Félix à l’adresse de Diego. Celui-ci quitte mon regard et nous tourne le dos avant de déguerpir sans attendre une seconde de plus. Quant à moi, j’avale une longue gorgée de ma bière quand Alvaro m’arrache la cannette de la main. — Eh ! grogné-je, vexée. — Ce n’est pas bon de boire avec tes médocs, Bella. Je roule des yeux. Il ne va pas s’y mettre, lui aussi ! J’ai l’impression que ce surnom me compare à la petite humaine dans Twilight , prude et sans cervelle, qui s’est entichée d’un vampire. La poisse… Je grimace sous sa réflexion et pousse un soupir de résignation en maintenant mon côté qui me fait toujours autant souffrir. Toutefois, j’essaie de ne pas le montrer alors qu’Alvaro m’attire contre lui. — Tu fais la tête ? me demande-t-il en passant une main sur ma joue. — Non, c’est juste que… Je suis dégoûtée de devoir rester ici. Je mens un peu, certes, mais je n’ai pas envie que nous ayons une discussion maintenant à propos des doutes de plus en plus nombreux dans mon esprit, concernant notre relation. Cependant, il n’y a pas que ça et j’en ai conscience. Les choix que j’ai faits m’ont poussée à suivre cette putain d’existence et je crains de ne pas pouvoir supporter davantage ce train de vie plus longtemps. Le danger n’est pas pour moi. J’ai besoin de quelque chose d’autre, mais, en toute sincérité, j’ignore si je suis capable de vivre normalement et de gagner de l’argent honnêtement. — Ne le sois pas, avec ce qui s’est passé tout à l’heure, je n’allais certainement pas te demander de nous accompagner. Il me raconte des bobards et j’en suis certaine. Il a besoin de moi auprès de lui, du moins, c’est ce qu’il me fait ressentir parfois. Il est contradictoire, mais, encore une fois, je préfère ne pas le contredire en lui prouvant par A + B qu’il se sent beaucoup plus déterminé quand je me trouve en sa compagnie. Ce qui s’est passé cet après-midi devrait pourtant me confirmer ses véritables intentions. Parce que je n’oublie pas qu’il m’a laissée en plan en fuyant les flics sans se retourner pour me venir en aide. À mes réflexions intérieures, la colère me monte irrémédiablement. — De toute façon, je n’avais pas envie de venir. Je suis ici pour te ramener de nouveaux clients et rien que ça, n’est-ce pas ? — Qu’est-ce que tu veux dire ? me demande-t-il, les sourcils froncés. Je me mords l’intérieur de la joue pour refouler le cri d’agacement qui chatouille le fond de ma gorge. — Eh, tu penses sincèrement que je t’ai demandé de vivre avec moi uniquement pour cette raison ? Je relève les yeux vers les siens et j’avoue qu’à cette seconde, je ne sais plus vraiment quoi penser. Il m’observe avec un regard intense, mais très vite, les rires des deux guignols qui s’élèvent dans la pièce brisent ce qui se passait entre nous. C’était doux et tendre. Je suis d’autant plus irritée de cette situation grotesque. — Je ne pense rien, soufflé-je avant de lui tourner le dos. J’ignore totalement les ricanements de Lorenzo et Félix qui charrient aussitôt Alvaro. Sans me retourner, je quitte le salon et vais m’enfermer dans la chambre, pensant sérieusement à me casser de cet endroit miteux. C’est ainsi que je me retrouve seule pendant plus de trois heures. J’ignore où en est le plan des gars pour ce soir. Alvaro n’est pas venu me voir. Visiblement, je ne fais pas partie de ses préoccupations premières. Qu’est-ce que je croyais ? Je secoue la tête et avale un antidouleur que Doc m’a donné. J’observe pendant quelques minutes le plafond en comptant mentalement le nombre exorbitant de taches qui se trouvent au-dessus du lit. La chambre n’est pas très grande, mais au moins, c’est l’endroit qui me permet d’avoir un peu d’intimité. Je n’ai pas toujours vécu dans la misère, loin de là. Toutefois, quand les souvenirs me ramènent au passé, je puise assez de détermination pour en sortir. Je refuse d’y songer, cela ne fait qu’éveiller cette putain de douleur invisible dans mon être. Je me rends cependant à l’évidence. Mon passé me manque. Atrocement. Depuis ces six dernières années, je suis passée du luxe à l’indigence. Tout ça pour elle. Parce que je refusais tout bonnement qu’elle porte le chapeau concernant le drame qui a bien failli nous perdre tous. Je ferme les paupières et tente misérablement de refouler tous ces souvenirs douloureux. Visiblement, mon esprit est bien plus fort et me rappelle combien cette mascarade m’a coûté. Un sanglot remonte dans le fond de ma gorge. J’ouvre rapidement les yeux et chantonne un air de Lady Gaga, espérant que les images, qui me hantent du soir où j’ai désiré la mort de ce fils de pute, s’éloignent le plus vite possible. En vain… Je me revois, tremblant de toutes parts. Six ans plus tôt… Mon beau-père se trouve au-dessus de moi, la paume plaquée sur ma gorge. Ses yeux, assombris par la colère, me fixent tandis que sa main glisse sous mon tee-shirt. Ma peau frissonne violemment. J’essaie de me débattre, de crier, mais il m’étrangle. Aucun son ne sort. Je bats des bras, des jambes, priant pour qu’il recule et que je puisse respirer, mais il continue de faire courir ses doigts rugueux sur ma peau. J’essaie encore une ultime fois d’appeler à l’aide, mais je sais que maman n’est pas dans la maison. Jelena non plus. Elle doit être avec son petit copain, comme toujours. Je pleure tout en me débattant encore et encore, mais Marco est beaucoup trop fort pour moi. Je n’ai que 14 ans, je suis menue et vulnérable, incapable de me défendre contre mon beau-père qui vient de péter un câble à vouloir me toucher de la sorte… Il désire me faire du mal et j’ignore les raisons qui le poussent à se comporter de cette manière avec moi. C’est la première fois que ça arrive, mais ma sœur va tout arrêter. Je ne comprends pas ce qui se passe, mais une détonation assourdissante vrille mes tympans douloureusement. La seconde suivante, tout le poids de l’homme que je considérais comme mon père s’effondre sur moi avant que je ne sente l’odeur du sang. De toutes mes forces, je le repousse. Son corps roule sur le côté, ce qui me permet de voir le visage de ma sœur, identique au mien, face à moi, l’arme toujours pointée dans ma direction. Je pleure beaucoup. Jelena garde une expression impassible et me demande de me lever le plus rapidement possible pour la rejoindre. — Il est mort…, dis-je en m’effondrant dans ses bras. Qu’est-ce qu’on va faire ? Ma sœur garde le silence. Pourtant, elle a toujours eu tendance à parler plus que moi. Nous sommes jumelles, nous nous ressemblons comme deux gouttes d’eau, mais, au fond, nous sommes très différentes. Aujourd’hui, elle m’a sauvé la vie. Elle a tué Marco pour moi et je lui en serais à jamais reconnaissante. — Je vais aller en prison… — Non ! hurlé-je en l’attrapant par les épaules. C’est de sa faute, on expliquera tout à la police. Jelena me foudroie d’un regard noir de colère avant de secouer la tête. — Ne dis pas n’importe quoi ! Si je vais en prison par ta faute, je te jure que je te le ferai payer, Adriana ! Je suis sous le choc. Je suis incapable d’encaisser ses mots. Je ne comprends pas. — Tu ne diras jamais rien à personne, Adri. Ça tuerait notre mère. Nous avons une petite heure avant que maman rentre à la maison. On va trouver une solution. — Je… Je m’interromps, incapable de poursuivre tandis que Jelena fait quelques pas dans le salon en se tenant le crâne entre les mains. Je ne l’ai jamais vue aussi anxieuse et je culpabilise. Je n’imagine même pas ce qui se serait passé si elle n’avait pas mis fin à tout cela. C’est sans doute pour cette raison que les mots lui échappent sans qu’elle puisse réfléchir à toutes ses conséquences. — Tu prétendras que tu as tiré. On trouvera bien une raison pour laquelle tu as fait ça, mais je dirai à la police que tu l’as tué. Jelena me regarde droit dans les yeux, visiblement aussi choquée que moi d’entendre ces mots sortis de sa bouche. Je ne réponds pas. Je suis sous le choc. — Très bien. On dira qu’un homme était ici, qu’il s’est disputé avec Marco et que tu as pris l’arme dans la console en arrivant ici parce que tu pensais qu’il voulait tuer notre beau-père. Tu ne savais pas qu’elle était chargée et le coup est parti en paniquant. Ça pourra marcher si tu fais tout ce que je dis, d’accord ? Je ne réfléchis plus. De toute façon, Jelena a toujours eu raison sur tout et elle vient de me sauver la vie. Alors, je hoche la tête en signe d’acquiescement. Je dirai ce qu’elle veut que je dise et je ferai ce qu’elle veut que je fasse. Je ne peux pas faire autrement. Un patron, jamais plus ! C’était la promesse que Dylane Marloow s’était faite depuis des mois, après sa rupture avec son ex-patron, un vrai pervers narcissique ! Et pourtant… Désespérée de retrouver un job au plus vite, la jeune femme, insouciante et impulsive, n’hésite pas à se rendre chez Lawyers & Associates ; le cabinet propose un poste d'assistante alléchant. Ce serait pour Dylane le moyen de réunir le plus d’informations possibles afin de se venger de son ex en toute légalité. Cependant, elle ne s’attendait pas à ce que Jason Lawyers soit si exaspérant, envoûtant… et très attirant. Face à un choix difficile et entre désir et quiproquos, la nouvelle vie de Dylane ne sera pas plus simple… Lien d'achat, boutique Sharon Kena : ICI Il est l'heure pour moi de vous dévoiler la couverture du premier tome de ma nouvelle série : ANGELS FIRE. Comme vous l'aurez compris, l'histoire se situe chez les pompiers de Chicago :) Vous pourrez faire la connaissance de Matthew, Anna, Lincoln, Ian et tous les autres de la caserne du 17e au mois d'avril 2020. En attendant, voici le résumé : Pompier assidu de la caserne du 17e de Chicago, le Lieutenant Matthew Benett va devoir intervenir sur un accident de la route qui va bouleverser son existence. En effet, la situation étant dangereuse, Matthew sera le seul à aller à l’encontre des ordres de ses supérieurs afin de sauver la vie de la seule rescapée ; Anna MaDox n’est autre que la fille unique du Gouverneur de l’Illinois. L’alchimie et l’attirance sont immédiates entre eux. Anna, bien que fiancée à Corry Clinstinker, va tout faire pour revoir Matthew, réticent à cette nouvelle rencontre. Pourtant, il va devoir accepter les ordres de la Capitaine qui compte sur lui pour sauver leur caserne, menacée de fermeture par la commune. Parviendront-ils à faire face à toutes les difficultés qui se dresseront devant eux… mais surtout aux sentiments puissants qu’ils éprouvent depuis la tragédie ? ❗️❗️ EN précommande ❗️❗️
Dark Brothers - Riley :) ➡️ Date de sortie : 10 mars 2020 (préco envoyée à partir du 27 février) ➡️ Résumé : Après dix ans passés derrière les barreaux, Riley Materson revient à Riverton, sa ville natale. Il a l’intention d’aider Sheldon, son frère, qui a pris la direction des Droks suite au décès de leur paternel. Toutefois, Riley ne s’attendait pas à devenir leur chef, comme l’avait exigé son père. Lui qui désirait justement écarter Sheldon et Hayden de ce milieu dangereux où règnent les trafics d’armes, de drogue et la violence ; il va devoir revoir ses résolutions. Et pour augmenter les difficultés de l’homme froid et impitoyable, Mia Collins, nouveau médecin de la ville, fait irruption dans sa vie. Elle le trouble, le bouleverse et le fait se sentir meilleur… Mais arrivera-t-il à accepter une telle ennemie dans son existence ? Parviendra-t-il à laisser les sentiments qu’il éprouve pour cette femme le pousser vers le bon chemin ? Rien n’est sûr… Lien d'achat Boutique Sharon Kena : ICI
Voici des informations sur mon nouveau bébé qui paraîtra en septembre aux éditions Sharon Kena...
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