CHAPITRE UN
Si j’avais pu imaginer un instant que j’allais toucher le fond si rapidement, jamais je n’aurais accepté de bosser pour Alvaro. Ce con a beau être un amant exceptionnel – quand il le veut bien –, c’est aussi le roi des loosers ! Comment j’ai pu m’embarquer là-dedans ? Je peste intérieurement à la douleur qui me lancine tout le côté gauche. Ma chute a été des plus spectaculaire. Je viens de m’étaler comme une crêpe sur le bitume brûlant en sautant de la toiture du petit resto miteux où une odeur à nous retourner l’estomac se propage dans le quartier malfamé de Cadix, ville portuaire historique située sur une étroite bande de terre entourée par la mer en Andalousie, au sud-ouest de l’Espagne. Ma position est inconfortable, mais je n’ai d’autre choix que de rester prostrée derrière les poubelles du El Diablo, le temps que les flics déguerpissent. Du coin de l’œil, je regarde discrètement sur la droite et esquisse un sourire de satisfaction. Alvaro est déjà loin, les deux agents qui lui courent après ne l’attraperont pas aujourd’hui. Par prudence, je reste encore un peu derrière ma cachette et essaie de me relever. Ce n’est pas aisé et un tas de noms d’oiseaux m’échappent quand j’y parviens enfin. Je pose la main sur mes côtes douloureuses, espérant qu’en exerçant une pression suffisante, cela apaise la brûlure. J’ignore si je me suis cassé un os, mais je ne prends pas le risque de regarder maintenant. Je ne dois pas rester dans cet endroit plus longtemps. Si les flics reviennent et me découvrent ici avec le sac rempli de cocaïne et marijuana que j’étais censée vendre avec Alvaro à un gros dealer du cartel de Cadix, je serai bonne pour passer des années en prison. Surtout que la Guarda ne rigole pas en ce moment. La semaine dernière, l’un d’eux a perdu la vie en confrontant une bande du cartel dont Alvaro fait partie. Pour ma part, ça ne fait que trois jours que je bosse officiellement en binôme avec lui, mais je ne m’attendais pas à un tel danger. De toute façon, je n’avais pas le choix. Qu’aurais-je bien pu faire d’autre ? J’ai rencontré Alvaro trois mois plus tôt. Il m’a aidée à m’en sortir du quartier pauvre où je vivais dans une chambre déplorable que je peinais à payer. À part voler et vendre ce qui ne m’appartient pas, je ne sais rien faire d’autre. Mais avec Alvaro, j’arrive mieux à m’en sortir. Je peux à présent pouvoir me payer de quoi manger. Il m’a accueillie chez lui à bras ouverts, mais je sais aujourd’hui que c’était uniquement parce qu’il attendait de moi que je l’aide à trouver de nouveaux dealers pour les fournir. Le Boss, dont nous ignorons tous le prénom, l’a obligé à plusieurs reprises à faire proliférer le marché nébuleux dont il s’occupe, sans quoi, il lui couperait les bijoux de famille. Je soupçonne donc Alvaro de profiter de moi – d’un visage inconnu dans le milieu – pour attirer de nouveaux clients pour son putain de business. Cependant, il a omis de me dire qu’il se tirerait sans état d’âme si les choses se corsaient en « mission ». Comme aujourd’hui… Il n’a pas hésité à fuir sans se retourner alors que je me planquais derrière ces putains de poubelles qui empestent. L’enfoiré… — Putain de bordel de merde ! grogné-je, me promettant intérieurement de buter mon petit ami. Je m’extirpe enfin de ma cachette et prends le chemin qui se trouve derrière les cuisines du restaurant. Quelques minutes plus tard, je débouche sur la grande rue, la Calle Mirador. J’éponge la pellicule de sueur de mon front tout en tentant de marcher normalement sous les yeux des habitants qui semblent ne pas me voir. Alléluia ! Bientôt, j’aperçois le clocher de l’église Santa Maria. Je soupire de soulagement et m’efforce de faire quelques pas supplémentaires sans me maintenir les côtes – cassées, sans doute – avant de m’arrêter derrière le lieu saint pour grogner de douleur. Je suis seule et me permets alors de soulever mon débardeur pour vérifier l’ampleur de mes blessures. Mon flanc gauche est enflé et rougi et, juste en effleurant ma peau meurtrie, une douleur insupportable se propage dans tout mon être. Je crie un peu et essaie de respirer convenablement, mais je souffre beaucoup. J’ai besoin de m’asseoir sur le muret qui entoure une porte de la paroisse, afin de reprendre mes esprits. J’ignore combien de temps je reste là à tenter de retrouver mon souffle et un rythme cardiaque plus régulier, mais je suis rassurée de ne voir âme qui vive aux alentours. Je n’ai plus que quelques mètres à effectuer avant de déboucher sur l’immeuble où je vis avec Alvaro et trois autres gars du gang. Je ne les apprécie pas vraiment, à part peut-être le plus jeune, Diego. Il a mon âge, tout juste la vingtaine, et s’est retrouvé à faire partie du gang quand son frère aîné est mort, six mois plus tôt. D’ailleurs, le mystère de son décès reste une énigme, mais Diego est convaincu qu’il s’est fait tuer pendant une confrontation avec les Maras. Lui aussi faisait partie des Latin Kings – tout comme nous. Diego est gentil et serviable, mais il est ici pour venger la mort de son frère et je trouve cela dangereux pour lui, comme pour nous tous. Il serait capable de faire passer son désir avant celui de notre bande. J’en ai déjà touché un mot à Alvaro, mais il m’a certifié que Diego sait ce qu’il fait, tout comme lui. Contrairement à Diego, Félix et Lorenzo sont tous deux des anciens. Ils sont là depuis le début de l’arrivée des Latin Kings en Espagne. Ce gang a débarqué d’Amérique latine dans les années 90. C’est une dangereuse et violente organisation criminelle et ces deux énergumènes la représentent merveilleusement bien. Ils font peur. C’est certain. Ils possèdent tous les deux la même coupe de cheveux, ras sur le crâne, tout comme les chefs d’un commando spécial, mais ici, c’est mon petit ami qui donne les ordres. Alvaro est beau. Il est grand, musclé. Ses cheveux longs, noir de jais, coiffés en queue de cheval, lui confèrent un style bien à lui. Lorenzo et Félix sont plus petits, mais ce sont deux tas de gros muscles super impressionnants. À côté d’eux, je me sens ridicule et si fragile. D’ailleurs, quand je pénètre enfin dans l’appartement que nous occupons secrètement grâce au propriétaire des lieux, je trouve Lorenzo devant l’énorme table où sont disposés des bières, des plans dont j’ignore tout et des chips. — Qu’est-ce qui t’est arrivé, toi ? me demande-t-il alors que je vais m’effondrer dans le fauteuil. — Où est Alvaro ? Je lui retourne une question qui le fait grogner de mécontentement. Cependant, il répond : — Dans sa piaule. Au fond, je suis soulagée qu’il soit rentré sain et sauf, mais je suis toujours furieuse contre ce salaud qui m’a laissée en plan ! Félix et Diego sortent de la cuisine à cet instant et nous rejoignent au salon. — Eh, Bella ! Qu’est-ce qui t’est arrivé ? Je roule des yeux au surnom que Diego m’a donné le jour de notre rencontre – à mon arrivée dans l’appartement. — Je me suis vautrée en sautant du toit. — Rien de cassé ? s’inquiète-t-il. — J’en sais rien… — Appelle le Doc ! aboie soudain la voix d’Alvaro. Je tourne la tête et croise son regard noir de colère. C’est l’hôpital qui se fout de la charité ! C’est moi qui suis en colère, pas lui ! — T’étais où, bordel ? beugle-t-il en approchant vers moi. — Où j’étais ! hurlé-je, furibonde. Tu m’as laissée en plan, putain ! T’es qu’un sale enfoiré ! Il arque un sourcil provocant et se baisse à ma hauteur en posant ses paumes sur mes genoux. Je les dégage dans un geste rapide de colère, mais il n’en a rien à foutre. Vivement, il me chope les poignets et plante un regard assassin dans le mien. — Je suis revenu, merde ! T’avais disparu, Adri ! Je serre les dents. Il est revenu… Remarquant ma surprise, il peste dans sa barbe quelques mots que je ne comprends pas et se relève d’un bond avant de se tourner vers Diego. — Appelle le Doc, je t’ai dit ! Diego hoche la tête et s’éclipse d’un pas vif de la pièce tandis que je grimace de douleur en me levant du fauteuil. — Putain… Viens, il faut t’allonger. Je le laisse me soulever en serrant les poings pour ne pas le cogner. Il n’est pas tendre et ça me fait un mal de chien de me retrouver dans ses bras alors qu’il m’emporte dans la chambre sous les yeux amusés des deux autres imbéciles. Je déplie les doigts et dirige mon index dans leur direction tout en les foudroyant du regard. Ils ne semblent même pas choqués par mon insulte silencieuse. Bande de connards ! Une fois seuls dans la chambre, Alvaro m’installe au milieu du lit et s’assoit à mon côté en posant une main sur ma joue. — Tu es brûlante… — Je te rappelle qu’il fait plus de 43 degrés dehors et j’ai dû courir, enfin, marcher le plus vite possible pour me mettre à l’abri. — Les flics t’ont vue ? — Non. Je ne crois pas, dis-je en secouant la tête afin qu’il cesse de me caresser le visage. Non pas que je n’aime pas le contact physique entre nous, mais ce n’est pas le moment. J’ai mal et j’ai grand besoin qu’on me soulage. — Montre-moi, lâche-t-il en soulevant mon haut. Je ne regarde pas. Je me contente d’observer sa réaction. Il grimace de compassion et cela m’irrite. — Comment se fait-il que les flics se soient pointés au El Diablo ? Tu m’as dit que ce n’était pas risqué ! Le ton de reproche dans ma voix l’assomme quelque peu. Il ancre son regard dans le mien et fronce les sourcils avant de serrer les mâchoires. — Julian devait te donner le fric et se tirer aussitôt à 16 heures pétantes, bordel ! Il n’est jamais venu, mais les flics, eux, étaient au rendez-vous. — Tu insinues que Julian nous a donnés. — J’en sais rien, mais avoue que c’est étrange… — C’est juste une coïncidence. Ça peut arriver. — Et que tu te tires sans ton binôme, c’est une coïncidence aussi ? Cette fois, il ne cache pas sa colère et m’attrape le bas du visage entre ses doigts. — Je suis revenu. Je ne me démonte pas, même si la peur a envahi tout mon être. Son regard est menaçant et je n’ai aucun doute qu’il pourrait se montrer violent si je continue de faire des allusions sur ce qui s’est passé tout à l’heure. Lui faire comprendre qu’au fond, c’est qu’un sale enfoiré de traître qui n’hésite pas à laisser les siens crever pour sauver sa peau pourrait me montrer son vrai visage. Cependant, j’ai déjà assez mal physiquement pour en rajouter une couche. Alors, je me contente d’acquiescer silencieusement en hochant la tête. — OK… Tu es revenu… J’étais sans doute encore planquée dans un coin. — C’est terminé, dit-il en relâchant son emprise sur ma mâchoire. Le Doc va te soigner. Tu iras mieux dans quelques heures. Je déglutis péniblement tout en me crispant d’appréhension alors qu’il passe les doigts sur ma blessure. — Je ne crois pas que c’est cassé, mais s’il faut aller à l’hôpital… — Je n’aurai pas besoin d’y aller, le coupé-je aussitôt en sachant pertinemment qu’il m’ordonnera de prendre les faux papiers d’identité qu’il a fait fabriquer pour moi en cas de gros pépins. — Comme tu voudras, mais ce soir, tu ne feras pas partie de la mission de la banque. — C’est ça, les plans sur la table ? — Ouais. Un contact nous a informés que le transfert s’effectuera à 23 heures. Ils sont prêts. — Tu vas y aller ? lui demandé-je. — Évidemment ! On rejoint le Boss directement dans la foulée après avoir récupéré le fourgon. — C’est… dangereux. Il rit avant de se pencher vers moi. Son visage se niche dans mon cou. Mes ongles se plantent dans ma paume au contact de ses lèvres contre ma peau. — Ça fait partie de notre job, querida . Eh merde… Son souffle caresse mon épiderme sensible et je sais qu’Alvaro devient tendre – comme à cette seconde – quand il a envie de baiser. Sauf que je ne suis pas en état. Je tente alors de le repousser gentiment, espérant qu’il ne s’en agace pas. En vain. — Je te veux, murmure-t-il en posant son front contre le mien. Sa main glisse sous la ceinture de mon pantalon. Très vite, ses doigts caressent mon intimité. — J’ai envie d’être belle et riche, mais on n’a pas tout ce qu’on veut dans la vie. Bien que j’aurais pu tout avoir… — Qu’est-ce que tu veux dire ? demande-t-il en redressant la tête. Son regard plonge dans le mien. — Je ne peux pas. J’ai trop mal. Ses doigts cessent de voyager entre mes lèvres intimes. Il esquisse un large sourire et hoche la tête. — C’est vrai qu’une pénétration te ferait souffrir davantage, mais on peut s’arranger pour que tu prennes aussi ton pied. Il ne me laisse pas le temps de réagir que sa bouche se pose sur la mienne. De sa langue, il force le barrage de mes lèvres et l’enroule sauvagement à la mienne tout en reprenant l’activité de ses doigts. Merde ! Incapable de me débattre sans risquer de souffrir de mes côtes, je le laisse faire tandis qu’il me pénètre de deux doigts sans ménagement. Je ravale un cri de douleur tandis que les sanglots s’accumulent dans ma gorge. Très vite, je me retrouve nue et allongée sur le lit, le visage d’Alvaro entre mes cuisses. CHAPITRE DEUX Alvaro et ses cunnilingus, c’est toute une histoire ! Mais il aurait pu être parfait si mes côtes ne m’avaient pas fait autant souffrir, ni ce qu’il a fait après m’avoir fait jouir avec sa bouche. Cet enfoiré était si excité que ma douleur lui importait peu. Tellement, qu’il s’est placé au-dessus de mon visage pour enfoncer sa queue entre mes lèvres, ignorant totalement mon désir de me laisser tranquille. Je n’étais vraiment pas en état de le sucer comme il l’exigeait. Pas après avoir hurlé de douleur lorsque l’orgasme m’a transportée. En vain… Il s’en fichait et a baisé ma bouche comme il l’entendait. Je n’étais plus qu’une poupée de chiffon entre ses mains, un vulgaire objet. Incapable de le repousser, j’ai subi ses allées et venues en priant intérieurement pour qu’il se vide au plus vite. Le Doc est arrivé peu après. Alvaro m’a laissée seule avec l’homme âgé d’une quarantaine d’années. Je l’avais déjà vu auparavant, une fois, le jour où Lorenzo et Diego se sont pointés sur le territoire des Maras. Lorenzo n’était pas sorti indemne de la bagarre qui avait dégénéré. Il avait reçu un coup de couteau dans le ventre et le Doc l’avait soigné dès son retour. Son diagnostic ne m’enchante guère. D’après lui, il vaudrait mieux que je me rende aux urgences pour faire une radio, il est persuadé que j’ai une côte cassée. Évidemment, Alvaro s’est opposé à cette visite à l’hôpital. Au fond, moi aussi. Je n’éprouve aucune envie de m’y rendre. De toute façon, ils ne feront rien de plus pour me soulager que ce que le Doc m’a donné. Des antidouleurs à prendre toutes les 4 heures et repos forcé ! m’a-t-il ordonné. Ce qui ne m’enchante pas, ni Alvaro et les autres, d’ailleurs. Ils comptaient visiblement sur moi pour leur plan de ce soir. Même si Alvaro ne voulait pas que je vienne, finalement, il aurait apprécié ma compagnie. C’est ce qu’il m’a dit après que le Doc a quitté l’appartement. Toutefois, je comprends que ce n’est pas mon immobilisation forcée qui les gêne pour leur mission. C’est plutôt ma présence qui demanderait visiblement beaucoup trop de soutien de leurs parts. Mon œil ! Je n’ai pas besoin d’eux et, quand j’entends les réflexions de Lorenzo et de Félix depuis ma chambre, j’ai juste envie de leur balancer à la tête tout ce qui trouve près de moi. — On va devoir se taper ta gonzesse pendant plusieurs semaines alors qu’elle ne nous servira à rien ! plastronne Lorenzo. — Ouais, et si tu penses qu’on va jouer à la nounou avec elle, je peux te dire que tu te fourres le doigt dans l’œil ! — Calmez-vous, les gars. Adri saura se démerder toute seule, comme nous tous. On n’a pas besoin d’elle pour ce soir de toute façon. — Ni les autres jours, d’ailleurs ! réplique Félix. Je serre les mâchoires pour éviter de laisser échapper les insultes qui montent dans ma gorge. Je n’entends pas ce que répond Alvaro, mais ce qu’il leur dit les amuse visiblement. Leurs rires débiles proviennent du salon. Ce qui me fiche la haine. Un petit ami n’est-il pas censé défendre sa copine ? Je dois avouer que je me sens complètement paumée, mais je suis bien trop fière pour les laisser me démonter de la sorte sans réagir. Alors, je vais à l’encontre du Doc et me lève du lit. Je mets bien plusieurs minutes à m’asseoir au bord du matelas. J’attrape mes vêtements qui sont éparpillés au sol en grimaçant de douleur. Le bandage que m’a mis le toubib autour du torse entrave ma liberté de mouvement. Alors, après quelques minutes, je suis habillée. Je prends appui sur le matelas et me lève lentement en refoulant le cri de douleur qui roule dans ma gorge. Putain de bordel ! Une fois sur mes pieds, je m’avance vers la porte et l’ouvre. Je rejoins la bande au salon et roule des yeux en découvrant qu’ils sont en train de siroter une bière bien fraîche, ce qui me donne envie d’en boire une pour apaiser cette putain de souffrance que j’endure. — Qu’est-ce que tu fous là, Adri ? grogne Alvaro en me dévisageant de bas en haut. — J’ai soif ! rétorqué-je en attrapant une bière sur la table. — Tu n’aurais pas dû te lever… — Je fais ce que je veux, Alvaro. De toute façon, je ne compte pas sur toi ni aucun de vous pour prendre soin de moi. Vous n’avez pas que ça à faire ! Il me dévisage, les mâchoires serrées, visiblement agacé que je l’envoie promener devant ses potes. — Une vraie tigresse, cette nana ! Je plonge un regard noir de colère dans celui de Félix et lui lance : — Attends de voir que ma blessure est guérie, toi ! — Oh, tu me menaces ? me demande-t-il en riant. Il approche d’un pas, mais Diego lui barre le passage. — Bon, les gars, ça se passe comment ce soir ? — T’es sourd, pequeño ? On ne va pas se répéter dix fois, bordel ! — Félix a raison, on a assez perdu de temps, si tu ne te sens pas prêt, tu n’auras qu’à rester ici et garder la tigresse ! — La tigresse vous emmerde, c’est clair ! hurlé-je, agacée de les entendre déblatérer inutilement. Alvaro sourit et me rejoint d’un pas rapide. — Calme-toi, mi querida. Ils plaisantent. Il vient de prononcer ces mots d’une voix tendre, mais je distingue parfaitement dans son regard qu’il est très mécontent de mon explosion de colère. Ses yeux me lancent des éclairs et, au fond de moi, je me terre comme une gosse effrayée. Cependant, je refuse de perdre la face devant lui et les autres. Je ne cille pas et porte le goulot de ma bière à mes lèvres avant d’en descendre une bonne gorgée. — Bon, pequeño ! s’exclame Lorenzo. Il est temps d’aller chercher le matos chez Christiano. Et dis-lui de nous prêter deux ou trois filles, j’ai besoin de me détendre avant de voler ces putains de milliers d’euros ! Je roule des yeux. Ce n’est pas la première fois que les gars font appel à des putes avant de partir en mission. Je sais aussi qu’Alvaro a eu recours à ce genre de service, mais c’était avant. Il m’a assuré qu’il n’avait pas touché d’autres filles que moi depuis que nous sommes ensemble. Pourtant, je doute de sa fidélité et les regards discrets qu’ils lancent tous les trois vers Alvaro ne me rassurent pas. — Qu’est-ce que t’attends ? aboie Félix à l’adresse de Diego. Celui-ci quitte mon regard et nous tourne le dos avant de déguerpir sans attendre une seconde de plus. Quant à moi, j’avale une longue gorgée de ma bière quand Alvaro m’arrache la cannette de la main. — Eh ! grogné-je, vexée. — Ce n’est pas bon de boire avec tes médocs, Bella. Je roule des yeux. Il ne va pas s’y mettre, lui aussi ! J’ai l’impression que ce surnom me compare à la petite humaine dans Twilight , prude et sans cervelle, qui s’est entichée d’un vampire. La poisse… Je grimace sous sa réflexion et pousse un soupir de résignation en maintenant mon côté qui me fait toujours autant souffrir. Toutefois, j’essaie de ne pas le montrer alors qu’Alvaro m’attire contre lui. — Tu fais la tête ? me demande-t-il en passant une main sur ma joue. — Non, c’est juste que… Je suis dégoûtée de devoir rester ici. Je mens un peu, certes, mais je n’ai pas envie que nous ayons une discussion maintenant à propos des doutes de plus en plus nombreux dans mon esprit, concernant notre relation. Cependant, il n’y a pas que ça et j’en ai conscience. Les choix que j’ai faits m’ont poussée à suivre cette putain d’existence et je crains de ne pas pouvoir supporter davantage ce train de vie plus longtemps. Le danger n’est pas pour moi. J’ai besoin de quelque chose d’autre, mais, en toute sincérité, j’ignore si je suis capable de vivre normalement et de gagner de l’argent honnêtement. — Ne le sois pas, avec ce qui s’est passé tout à l’heure, je n’allais certainement pas te demander de nous accompagner. Il me raconte des bobards et j’en suis certaine. Il a besoin de moi auprès de lui, du moins, c’est ce qu’il me fait ressentir parfois. Il est contradictoire, mais, encore une fois, je préfère ne pas le contredire en lui prouvant par A + B qu’il se sent beaucoup plus déterminé quand je me trouve en sa compagnie. Ce qui s’est passé cet après-midi devrait pourtant me confirmer ses véritables intentions. Parce que je n’oublie pas qu’il m’a laissée en plan en fuyant les flics sans se retourner pour me venir en aide. À mes réflexions intérieures, la colère me monte irrémédiablement. — De toute façon, je n’avais pas envie de venir. Je suis ici pour te ramener de nouveaux clients et rien que ça, n’est-ce pas ? — Qu’est-ce que tu veux dire ? me demande-t-il, les sourcils froncés. Je me mords l’intérieur de la joue pour refouler le cri d’agacement qui chatouille le fond de ma gorge. — Eh, tu penses sincèrement que je t’ai demandé de vivre avec moi uniquement pour cette raison ? Je relève les yeux vers les siens et j’avoue qu’à cette seconde, je ne sais plus vraiment quoi penser. Il m’observe avec un regard intense, mais très vite, les rires des deux guignols qui s’élèvent dans la pièce brisent ce qui se passait entre nous. C’était doux et tendre. Je suis d’autant plus irritée de cette situation grotesque. — Je ne pense rien, soufflé-je avant de lui tourner le dos. J’ignore totalement les ricanements de Lorenzo et Félix qui charrient aussitôt Alvaro. Sans me retourner, je quitte le salon et vais m’enfermer dans la chambre, pensant sérieusement à me casser de cet endroit miteux. C’est ainsi que je me retrouve seule pendant plus de trois heures. J’ignore où en est le plan des gars pour ce soir. Alvaro n’est pas venu me voir. Visiblement, je ne fais pas partie de ses préoccupations premières. Qu’est-ce que je croyais ? Je secoue la tête et avale un antidouleur que Doc m’a donné. J’observe pendant quelques minutes le plafond en comptant mentalement le nombre exorbitant de taches qui se trouvent au-dessus du lit. La chambre n’est pas très grande, mais au moins, c’est l’endroit qui me permet d’avoir un peu d’intimité. Je n’ai pas toujours vécu dans la misère, loin de là. Toutefois, quand les souvenirs me ramènent au passé, je puise assez de détermination pour en sortir. Je refuse d’y songer, cela ne fait qu’éveiller cette putain de douleur invisible dans mon être. Je me rends cependant à l’évidence. Mon passé me manque. Atrocement. Depuis ces six dernières années, je suis passée du luxe à l’indigence. Tout ça pour elle. Parce que je refusais tout bonnement qu’elle porte le chapeau concernant le drame qui a bien failli nous perdre tous. Je ferme les paupières et tente misérablement de refouler tous ces souvenirs douloureux. Visiblement, mon esprit est bien plus fort et me rappelle combien cette mascarade m’a coûté. Un sanglot remonte dans le fond de ma gorge. J’ouvre rapidement les yeux et chantonne un air de Lady Gaga, espérant que les images, qui me hantent du soir où j’ai désiré la mort de ce fils de pute, s’éloignent le plus vite possible. En vain… Je me revois, tremblant de toutes parts. Six ans plus tôt… Mon beau-père se trouve au-dessus de moi, la paume plaquée sur ma gorge. Ses yeux, assombris par la colère, me fixent tandis que sa main glisse sous mon tee-shirt. Ma peau frissonne violemment. J’essaie de me débattre, de crier, mais il m’étrangle. Aucun son ne sort. Je bats des bras, des jambes, priant pour qu’il recule et que je puisse respirer, mais il continue de faire courir ses doigts rugueux sur ma peau. J’essaie encore une ultime fois d’appeler à l’aide, mais je sais que maman n’est pas dans la maison. Jelena non plus. Elle doit être avec son petit copain, comme toujours. Je pleure tout en me débattant encore et encore, mais Marco est beaucoup trop fort pour moi. Je n’ai que 14 ans, je suis menue et vulnérable, incapable de me défendre contre mon beau-père qui vient de péter un câble à vouloir me toucher de la sorte… Il désire me faire du mal et j’ignore les raisons qui le poussent à se comporter de cette manière avec moi. C’est la première fois que ça arrive, mais ma sœur va tout arrêter. Je ne comprends pas ce qui se passe, mais une détonation assourdissante vrille mes tympans douloureusement. La seconde suivante, tout le poids de l’homme que je considérais comme mon père s’effondre sur moi avant que je ne sente l’odeur du sang. De toutes mes forces, je le repousse. Son corps roule sur le côté, ce qui me permet de voir le visage de ma sœur, identique au mien, face à moi, l’arme toujours pointée dans ma direction. Je pleure beaucoup. Jelena garde une expression impassible et me demande de me lever le plus rapidement possible pour la rejoindre. — Il est mort…, dis-je en m’effondrant dans ses bras. Qu’est-ce qu’on va faire ? Ma sœur garde le silence. Pourtant, elle a toujours eu tendance à parler plus que moi. Nous sommes jumelles, nous nous ressemblons comme deux gouttes d’eau, mais, au fond, nous sommes très différentes. Aujourd’hui, elle m’a sauvé la vie. Elle a tué Marco pour moi et je lui en serais à jamais reconnaissante. — Je vais aller en prison… — Non ! hurlé-je en l’attrapant par les épaules. C’est de sa faute, on expliquera tout à la police. Jelena me foudroie d’un regard noir de colère avant de secouer la tête. — Ne dis pas n’importe quoi ! Si je vais en prison par ta faute, je te jure que je te le ferai payer, Adriana ! Je suis sous le choc. Je suis incapable d’encaisser ses mots. Je ne comprends pas. — Tu ne diras jamais rien à personne, Adri. Ça tuerait notre mère. Nous avons une petite heure avant que maman rentre à la maison. On va trouver une solution. — Je… Je m’interromps, incapable de poursuivre tandis que Jelena fait quelques pas dans le salon en se tenant le crâne entre les mains. Je ne l’ai jamais vue aussi anxieuse et je culpabilise. Je n’imagine même pas ce qui se serait passé si elle n’avait pas mis fin à tout cela. C’est sans doute pour cette raison que les mots lui échappent sans qu’elle puisse réfléchir à toutes ses conséquences. — Tu prétendras que tu as tiré. On trouvera bien une raison pour laquelle tu as fait ça, mais je dirai à la police que tu l’as tué. Jelena me regarde droit dans les yeux, visiblement aussi choquée que moi d’entendre ces mots sortis de sa bouche. Je ne réponds pas. Je suis sous le choc. — Très bien. On dira qu’un homme était ici, qu’il s’est disputé avec Marco et que tu as pris l’arme dans la console en arrivant ici parce que tu pensais qu’il voulait tuer notre beau-père. Tu ne savais pas qu’elle était chargée et le coup est parti en paniquant. Ça pourra marcher si tu fais tout ce que je dis, d’accord ? Je ne réfléchis plus. De toute façon, Jelena a toujours eu raison sur tout et elle vient de me sauver la vie. Alors, je hoche la tête en signe d’acquiescement. Je dirai ce qu’elle veut que je dise et je ferai ce qu’elle veut que je fasse. Je ne peux pas faire autrement.
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Avril 2020
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